Éditions de L'Olivier

23,50
Conseillé par (Libraire)
30 janvier 2023

Un roman empli de force féminine !

S'éloignant de son Amérique natale et contemporaine, Lauren Groff nous offre avec ce nouveau roman un portrait magnifique d'une poétesse du XIIème siècle qui n'a laissé comme seule trace de son existence qu'une poignée de lais et quelques contes.
Nous faisons connaissance au tout du début du roman avec une jeune fille de 17 ans, chevauchant pour rejoindre le monastère où Aliénor d'Aquitaine l'envoie comme prieure.
Marie découvre là un lieu rongé par la pauvreté, la faim et le froid, habité par une dizaine de religieuses en piètre état.
Peu disposée à se réjouir de cet exil de la cour, elle découvre sa nouvelle vie avec des pierres sur le coeur.
Elle doit cependant composer avec ses obligations et va déployer, une fois sortie de l'affliction, une énergie et une habileté réelles pour sortir le monastère de son indigence. Elle va s'acharner à remettre sur pied et le lieu et les femmes, tout en construisant sa réputation de prieure à craindre. Lauren Groff la dote d'un physique exceptionnel ce qui renforce encore sa légende.
Admirable, cette fiction l'est tout autant que son personnage principal, femme forte, cédant aussi à ses pulsions charnelles, pleine d'une intelligence vive et fine.
Elle va créer en ce lieu, petit à petit, un esprit d'entraide entre les femmes et qui va prospérer grâce aux dons de chacune qu'elle va encourager et mettre à jour. Elle n'hésitera pas non plus à attaquer par la ruse ceux qui veulent les soumettre par l'épée.
Roman original, Matrix nous emporte loin et même si nous ne savons rien de la vie de Marie en particulier, l'auteure nous offre un tabelau saisissant de ce que pouvaient vivre ces femmes à cette époque. Elle dépeint une époque où rien n'est simple, surtout pour les femmes, mais où la détermination et le courage permettent un enrichissement collectif.

Conseillé par (Libraire)
21 juin 2019

Un roman choral sur la puissance de l'espoir et le collectif: le prix 2019 du Moulin des lettres!

Qu’est-ce qu’écrire ? Pour certains auteurs et pour Alaa El Aswany en particulier, c’est donner la parole à celles et ceux qui n’ont pas de voix.
Ils sont nombreux en Egypte, en 2011, date à laquelle se déroule ce roman, à ne plus supporter l’injustice, la corruption politique et la répression policière aveugle cautionnées par Hosni Moubarak. Ils vont se retrouver sur la place principale du Caire, la place Tahrir, et des discussions menées entre musulmans, laïcs et coptes va émerger l’idée d’une nouvelle Egypte que le peuple, à bout, veut faire naître.
Alaa El Aswany nous révèle de façon passionnante, avec un style alerte et plein d’ironie, l’histoire très contemporaine de la révolution égyptienne qu’il va dérouler sous nos yeux, jour après jour, grâce à l’introduction dans cette histoire chorale de personnages de condition sociale et d’appartenance religieuse diverses, en n’oubliant pas le camp de l’armée dont les chefs manipulent habilement l’opinion à leur avantage, quitte à jouer avec le feu.
Asma est l’un de ces personnages ; jeune professeure idéaliste aux convictions profondes, elle refuse de se voiler malgré les pressions de sa hiérarchie, tout comme elle refuse la soumission au sein de sa famille; opprimée et humiliée au quotidien, c’est à Mazen, un ingénieur dans une usine rencontré aux réunions organisées par le mouvement politique Kifaya, qu’elle va se confier. Ils vont s’impliquer tous les deux jusqu’au bout dans le mouvement de rébellion populaire et se retrouvent dans leur vision commune d’un pays débarrassé du mensonge, de l’oppression faite aux femmes et du mépris du peuple ; ils se confient l’un à l’autre par mails sur leur quotidien et les vicissitudes qu’ils affrontent au travail : cette alternance de correspondances crée une rupture dans le récit du narrateur omniscient et nous permet de pénétrer dans deux univers intimes et professionnels très différents.
Tout au long du roman d’ailleurs El Aswany a à coeur de faire entrer le lecteur dans de nombreux foyers cairotes et en nous ouvrant leurs portes, il nous montre aussi la condition réservée aux filles, sœurs et épouses dans les familles ; la pression parentale exercée sur les filles est lourde et leur mode de vie n’est jamais dicté par leur volonté propre mais imposé par la tradition, le respect du père et la religion. Combien d’Asma rencontre-t-on, assez fortes et courageuses pour se rebeller et quitter le foyer parental afin de fuir un mariage forcé? Bien peu !
L’hypocrisie de la société égyptienne est dénoncée tout au long du livre et à de nombreuses reprises ; chacun y va, homme ou femme, de sa lecture très personnelle du Coran pour s’autoriser les pires écarts de conduite : lâcheté, sexe, alcool, volonté de pouvoir, enrichissement illégal, jalousie et malgré la violence de la situation vécue par ses personnages, la répression et les affrontements parfois mortels, El Aswany ne manque pas de mordant et parfois même de drôlerie pour décrire ce pays qui lui est si cher et où il continue de vivre malgré tout. Un roman superbe et extrêmement émouvant qui a fait l’unanimité du jury du Moulin des Lettres en ce mois de juin 2019 !