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Conseillé par (Libraire)
11 octobre 2021

Un roman allemand sur les années 60 et sur la mémoire collective

Si la littérature de la Shoah nous a fait découvrir depuis 70 ans l’horreur des camps d’extermination, les années 60 en Allemagne ont été beaucoup moins abordées.
Annette Hess situe son roman en 1963, pendant le second procès d’Auschwitz où furent jugés 22 officiers SS et kapos. Eva Bruhns, jeune interprète, va être sollicitée pour traduire les témoignages des rescapés polonais pendant le procès qui va durer un an et demi et qui se tiendra à Francfort.
Les hésitations d’Eva pour accepter ce travail vont être confortées par la réticence de ses parents à parler du passé et par celle de son fiancé, Jürgen. Eva désire cependant acquérir une autonomie financière pour s’émanciper du foyer familial, ce malgré le souhait de Jürgen d’avoir une épouse femme au foyer.
S’intéressant de plus en plus au procès, elle lit les journaux qui relatent sa mise en place et présentent les accusés ; cet intérêt d’Eva pour le procès rend sa mère furieuse. Certaines scènes de rue auxquelles elle ne prêtait pas attention jusque-là vont lui ouvrir les yeux sur l’antisémitisme toujours vivace. Elle finit par accepter de travailler dans le cadre du procès et va commencer alors une lente découverte de ce qui s’est passé 20 ans auparavant dans son pays et au sein de sa famille.
Alternant les points de vue grâce aux différents personnages de la famille d’Eva, l’auteure nous plonge dans la vie quotidienne d’une famille allemande des années 60. Elle entremêle ces passages à ceux présentant les membres du Ministère de la Justice qui doivent mener le procès et à leur recherche des témoins ou des coupables. Annette Hess tisse peu à peu des liens entre ces deux univers et remonte dans le passé en questionnant la culpabilité, la mémoire et les non-dits. Il semble évident que les Allemands ayant connu le nazisme aspirent alors à vouloir oublier cette période, quitte à renoncer à toute volonté de justice.
Eva durant le procès va s’émanciper, mûrir et surtout appréhender enfin cette partie de l’histoire de son pays, occultée par le plus grand nombre jusque-là dans une volonté d’oublier l’innommable. Un roman très fort et une excellente traduction de Stéphanie Lux.

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