Conseils de lecture
Fronde fiscale
Antoine Deltour : parcours d'un lanceur d'alerte
Dessins de Léandre ACKERMANN
De Ferenc
La Boîte à Bulles
Le parcours d'un lanceur d'alerte : une BD reportage bien construite et écrite
Ce court mais dense roman graphique vient tout juste d'arriver à la librairie et nombreux sans doute seront ceux à qui le nom d'Antoine Deltour ne sera pas inconnu.
Largement médiatisé, le long procès de ce jeune homme a été retentissant en France et en Europe et a démarré un jour de 2014 avec sa garde à vue au commissariat d'Épinal.
Le scénariste a décidé d'utiliser le récit à la 1ère personne pour raconter, comme le sous-titre l'indique, le parcours d'Antoine, les affres vécus tout au long du procès luxembourgeois et tout ce qui va en découler y compris au niveau de la politique européenne.
Si le contexte de départ est relativement complexe pour un.e néophyte (telle que moi), le texte associé au dessin réussit à rendre intelligibles les enjeux financiers et les montages (alors tout à fait autorisés par la loi luxembourgeoise !) qui se pratiquent par milliers par les multinationales afin de payer le moins possible d'impôts en faisant transiter leur argent par ce pays.
Antoine Deltour, salarié d'une boîte d'audit luxembourgeoise, va découvrir des documents qui vont le laisser pantois et qu'il va confier à un journaliste d'investigation : l'affaire va commencer grâce à un lanceur d'alerte ...
Excellent !
Avec "Okavango", nom du fleuve qui traverse 3 pays de l'Afrique australe, l'auteur de "Zulu" et "Mapuche" entre autres, aborde à nouveau ce continent et trempe sa plume dans le sang des derniers animaux sauvages pour mieux en dénoncer le braconnage féroce.
C'est aux prédateurs bipèdes qu'il s’intéresse cette fois-ci, à ceux qui construisent leur richesse sur la capture interdite des pachydermes et autres espèces animales peuplant les réserves.
Non contents de les dépecer, ils les donnent aussi à manger à leurs clients...
Solanah Betwase, jeune femme au caractère bien trempé, dirige une équipe de rangers et l'immense réserve privée "Wild Bunch" est sous sa juridiction. Ces terres appartiennent à un certain John Latham, un type du genre taiseux mais qui va devoir coopérer bon gré mal gré avec Solanah quand le cadavre d'un jeune pisteur va être retrouvé sur sa réserve.
Ne négligeant jamais le contexte historique et politique de ce vaste territoire ni les enjeux économiques qui sous-tendent le trafic animalier, Férey déploie tout son talent pour nous raconter ce qu'il reste de sauvage dans cette partie de l'Afrique et nous parle de ses habitants bêtes ou hommes avec empathie et réalisme. Les animaux en sursis dans ces réserves occupent la 1ère place dans la trame de son récit.
Toujours aussi attentif à ne pas laisser son lecteur souffler, Férey nous convie à un voyage sombre aux confins du Mal.
Un très grand cru à nouveau de la Série Noire et sur l'Afrique aux côtés de "Free Queens" de Marin Ledun paru ce printemps et dont je vous ai déjà dit tout le bien que j'en pensais.
Le 3ème roman de ce jeune auteur sarde, traduit en français par Anatole Pons-Remaux, vient de paraître aux éditions Gallmeister qui l'ont fait découvrir en France.
On y retrouve le flic et criminologue Vito Strega dans sa 1ère enquête.
Pas zen pour deux sous et ne supportant pas que des fous furieux se baladent dans la nature, Vito vit une période bien sombre.
Il a en effet été mis sur la touche par sa hiérarchie suite à une grosse bavure et il doit subir un suivi psychologique auquel il a du mal à se soumettre. L'inaction lui pèse terriblement mais sa collègue Teresa Brusca va le contacter pour qu'il l'aide de façon informelle alors que plusieurs ados sont accusés de meurtres d'une rare violence.
L' enquête se déroule à Milan bien avant celle qu'il mène dans "L'illusion du Mal" avec ses 2 collègues sardes.
Un vrai plaisir que de retrouver la plume de cet auteur découvert avec "L'île des âmes" et une excellente façon de bien commencer
cette reprise de septembre !
Un roman construit de façon brillante et ingénieuse !
Brillant, osé, original : la lecture de "Trust" m'a totalement retournée et je peux même ajouter que le bonheur de lire une œuvre aussi ingénieuse s'est prolongé bien après avoir refermé le livre.
Façonnée en 4 parties, la structure peut décontenancer voire agacer parce que le lecteur ne perçoit pas de suite ni la logique ni la cohérence du texte. C'est en poursuivant la lecture qu'elles vont peu à peu apparaître ; les morceaux de ce puzzle vont finir par s'assembler pour constituer le portrait concave et convexe d'un couple américain hors normes de par leur caractère, leur intelligence et leur richesse.
C'est aussi le portrait d'une certaine Amérique, celle de l'argent, qui se dessine, décor contenant les névroses des personnages, la violence des rapports humains et le patriarcat imposé comme système de pensée et de fonctionnement.
Vertigineux, le thème du roman -la construction des États-Unis par le biais de la finance et de l'accumulation du capital- est parfaitement illustré par les personnages principaux et secondaires.
L' un des meilleurs romans de cette très belle rentrée littéraire.
Un roman furieux et de magnifiques personnages
S’il est un auteur qu’on aime à retrouver à chacun de ses romans, c’est bien Chalandon, et encore plus en ce mois d’août avec son « enragé ».
D’une plume qui fouaille dans les entrailles des destins et des passés, les siens et ceux de ses personnages, Chalandon signe à nouveau un grand roman, celui de l’enfance perdue, balancée entre les murs d’une maison de redressement, située à Belle-Île-en-Mer ; cette geôle n’en porte pas le nom mais elle en a toutes les caractéristiques : violences, humiliations, travail forcé et faim sans fond ont façonné ce lieu en un condensé de l’enfer sur terre. Les gamins apprennent en y entrant qu’ils ne pourront pas échapper au choix qu’ils devront faire, devenir un caïd ou sombrer en devenant souffre-douleur.
Quand il a passé le portail la première fois, Jules Bonneau a choisi, vite. Il sera un de ceux qui résistent à tout : aux coups, aux jaloux, aux gardiens vicieux, aux punitions. On l’appellera la Teigne parce que c’est le nom de guerre qu’il s’est choisi.
Là-dedans, tout tient grâce à la trique et aux menaces mises souvent à exécution mais un jour de vexations de plus et le trop plein de tout va faire vriller les gamins qui vont laisser exploser leur colère et leur hargne. À partir de ce jour, la vie de Jules va basculer.
S’inspirant d’un fait divers datant de 1934, Chalandon crée un personnage magnifique de jeune rebelle qui n’a que sa haine pour toute fortune et ses poings pour tout bagage. Il dépeint avec finesse la complexité des sentiments qui l’animent et ses rapports difficiles avec autrui et au monde.
Chalandon retrace un moment peu glorieux de notre histoire et on est révoltés en lisant les conditions de vie qui étaient réservées à ces gosses malchanceux ou abandonnés. Mais il va plus loin en inventant une vie à son Jules, une liberté retrouvée grâce à des hasards qui vont croiser sa route. Un roman très fort, émouvant et de très beaux personnages : un autre incontournable de cette rentrée littéraire !