Conseillé par Mathilde
Un recueil sur la colère et l'injustice, voici ce qu'est surtout Moujik Moujik. En 2008, Francis décède dans les bois de Vincennes. Il vivait dans une tente, et son décès révèle la présence d'autres femmes et hommes qui vivent dans cette forêt, dans tous types d'habitations. Sophie G. Lucas créée à partir de témoignages, de discussions avec ces personnes, des poèmes qui rendent visible ces vies en marge de la société. Son utilisation des parenthèses alternées avec du discours indirect nous donne l'impression d'être avec ces personnes, d'être à l'écoute. En deuxième partie du recueil, l'autrice s'intéresse à Détroit et à sa période de grand déclin. Pendant cette dure période économique, certains ont pu partir et d'autres n'ont pas eu le choix de rester. C'est le discours de ces personnes que Sophie G. Lucas retranscrit avec tendresse et franchise.
Conseillé par Mathilde
Bienvenue dans la Beat Generation, côté femmes ! En 1970, Eileen Myles décide de quitter le confort de sa famille catholique pour profiter de New-York. Elle devient poétesse, vit dans une grande précarité, rencontre le photographe Mapplethorpe dont Patti Smith avait raconté l'histoire dans "Just Kids". On retrouve dans cet ouvrage des bribes de sa vie là-bas, ses rencontres et ses expériences. C'est un vrai plaisir d'avoir un point de vue féminin, féministe, et lesbien du célèbre mouvement de la Beat Generation, dont on connaît principalement des noms d'hommes.
Entre journal et auto-fiction, le récit décousu d'Eileen Myles est déroutant autant qu'il est délectable.
Conseillé par Stéphanie et Joséphine
"Il n'y a pas d'erreur en musique, il n'y a que des commencements" disait Wayne Shorter, saxophoniste et compositeur de légende des années 50. Cette phrase, située en incipit, n'est évidemment pas là par hasard. Ce roman est un hymne au jazz, à la vie et à l'amour.
Sous la plume scandée et poétique de Marc Alexandre Oho Bambe, à travers de courts chapitres dont les titres sont inspirés par des morceaux ou des chansons de blues, Jaromil, trompettiste français métis, dévoile son cœur, les notes bleues de sa vie de fils, d'amant, de père et de musicien.
"Je n'ai pas connu mon père (...) j'ai grandi sans phare, ni guide" commence-t'il. Et puis un jour d'octobre, il trouve un paquet dans sa boîte aux lettres contenant un photo, un long courrier et des cassettes audio. Celui qui fut son père se raconte et dit tout son amour.
Le roman s'alterne entre les secrets de ce père ressuscité, les poèmes à sa fille Indira, et l'histoire de Jaromil. Son enfance sans racine, sa découverte du jazz, sa rencontre avec Al, père spirituel originaire de Tanzanie qui le fait entrer dans son band, et Maïsha, l'amour de sa vie perdue à cause de ses addictions.
Au cœur, il y a le jazz et tous ses artistes, le souffle du trompettiste qui vous emporte avec ses notes, ses mots et ses silences.
Un roman habité par le jazz, les failles et les espérances d'un homme amoureux et d'un père qui n'a pas eu de père.
Conseillé par Manon T
Un roman terriblement drôle et malin. À travers le personnage de Pablo, scénariste, Seth Greenland nous fait partager son amour pour le cinéma et la musique underground. Une plongée dans l'époque de la blaxploitation ! Un roman qui parle des mœurs américaines et des différences raciales qui sont au cœur de l'histoire des États-Unis. Les personnages sont attachants, intelligents. Le discours politique est engagé et construit, le cadre est parfaitement posé (on se croirait dans "Taxi Driver"). Un vrai plaisir de lecture !
Conseillé par Coralie et Joséphine
Jean Hegland peut tout aussi bien nous entraîner au cœur d'une dystopie que dans l'œuvre de Shakespeare, elle excelle toujours à créer un univers que l'on n'a plus envie de quitter !
Avec "Rappelez-vous votre vie effrontée", on fait la connaissance de John Hubbard Wilson, professeur de littérature et spécialiste de l'œuvre de William Shakespeare. Toute sa vie, ce passionné a enseigné son amour pour les mots, les répliques et la poésie de la langue. Lorsque l'on rencontre ce personnage, il est au crépuscule de sa vie et sa mémoire s'enfuit peu à peu.
Sa femme va alors reprendre contact avec la fille de John, Miranda - prénommée ainsi d'après l'héroïne de "La Tempête" - qu'il n'a pas vue depuis des années, afin de leur permettre de renouer avant qu'il ne soit trop tard.
Au cours de ces visites régulières, Miranda se livre à cet homme qui ne la reconnaît pas toujours mais qui saura lui transmettre, souvent, émotions et répliques shakespeariennes à propos.
Tout au long du roman, Jean Hegland nous plonge tantôt dans l'histoire familiale de John et Miranda tantôt dans l'œuvre du grand dramaturge.
"Rappelez-vous votre vie effrontée" est un roman extrêmement sensible qui nous dit beaucoup sur la mémoire et la transmission, sur les souvenirs et ce que nous apporte notre amour des mots. Il faut également saluer le talent de la traduction de ce roman, effectuée par Nathalie Bru.