Yv

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Je lis, je lis, je lis, depuis longtemps. De tout, mais essentiellement des romans. Pas très original, mais peu de lectures "médiatiques". Mon vrai plaisir est de découvrir des auteurs et/ou des éditeurs peu connus et qui valent le coup.

Maurice, Nikos

La Différence

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22 février 2016

Excellent. Voilà mon avis, court, précis, il pourrait se résumer à ce seul mot, mais comme je me dois d'avoir sur le blog une certaine tenue, je vais développer.

Excellent parce que l'on est au cœur d'un pays en plein bouleversement : on sent tous les espoirs, les envies que la dictature chute, que les richesses soient partagées, que le peuple cubain puisse enfin décider par et pour lui-même. Jamais Nikos Maurice ne fait d'allusions à la situation actuelle, à ce que deviendra le pays sous la coupe de Fidel Castro, et c'est très bien, on est comme cela totalement plongé avec les Cubains, dans leur quotidien de 1958. Castro et Che Guevara ne sont d'ailleurs que deux figures importantes dont on ne parle que peu puisqu'ils ne sont pas encore aux portes de La Havane. Ils existent dans le livre et dans les discours des révolutionnaires mais encore assez lointains.

Excellent parce que fort bien documenté et fort instructif. J'aime lorsqu'un polar me transporte dans une époque, un pays ou une région que je ne connais pas bien et qu'il m'apporte plein de contenu pour briller en société (ou plus simplement pour ma culture personnelle). En plus, Nikos Maurice à l'élégance d'écrire cela très joliment. Son style est très fluide, agréable à lire, ne se privant pas de touches humoristiques (même si une fois, je me suis esclaffé, lorsqu'après une grosse crainte, Thompson commande une tournée de mojitos pour ses interlocuteurs et "un défibrillateur" pour lui (p.288) : un défibrillateur ? en 1958 ? alors qu'il vient tout juste d'être inventé et pas encore en accès libre ?). Bon, je taquine, parce que franchement ce n'est pas grave au regard de la qualité de ce roman. Plus j'avançais dans ma lecture et plus j'allais vite et ne pouvais décrocher. Un très bon signe. 430 pages qui passent avec bonheur.

Excellent enfin, parce que Nikos Maurice a su créer une belle galerie de personnages et une intrigue sérieuse, suffisamment alambiquée, impliquant la CIA, le FBI, la Mafia, mais aussi très simple à comprendre pour tenir en haleine les lecteurs. L'intrigue ? Démasquer le traitre et l'organisation pour laquelle il travaille, sachant que les États-Unis s'accordaient très bien avec la dictature Batista puisque qu'ils possédaient quasiment la moitié du pays, d'où la présence forte de la CIA et du FBI. Les personnages sont tous bien décrits, entre les révolutionnaires purs et durs, ceux qui n'y croient pas vraiment, mais qui participent, les Cubains qui subissent, ceux qui ne croient pas au grand soir, mais qui aident néanmoins. Et puis La Havane qui danse, chante et boit du rhum. Thompson se lie bientôt avec certains du CPRC, flirtant même -voire plus- avec Célia, une jeune femme volontaire et énigmatique. Il passera dix mois dans ce pays à vivre parmi les Cubains, s'y fera des amitiés sincères et fortes.

Un cinquième titre pour la collection noire des éditions de La Différence. Une nouvelle très belle réussite, qui commence, comme pour les autres par une couverture elle aussi excellente et tout à fait en lien avec le contenu du livre.

Conseillé par
22 février 2016

Très agréable ce roman qui surfe sur une vague actuelle, celle qui met en scène des personnes âgées. L'autre vague étant le porno soft pour les mamans -notamment aux éditions Hugo. J'attends la prochaine vague, celle où l'on mélangera les deux précédentes. La sexualité chez les seniors, c'est un sujet dont on parle assez peu dans les romans, Thiébault de Saint Amand l'effleure dans celui-ci de manière à la fois légère et sérieuse. Mais évidemment ce n'est pas un traité sur le thème, d'autres aspects de la vie en communauté, qui plus est en maison de retraite, sont abordés : la solitude et les enfants qui délaissent leurs parents, la maladie, la mort, l'obligation de respecter les horaires et le règlement intérieur d'un établissement ce qui n'est pas toujours aisé lorsqu'on était seul chez soi auparavant, la mort, l'amour, la maltraitance... Le ton du roman est à l'humour mais noir, même si parfois l'on rit jaune, puisque l'on rit avec la mort, la vieillesse, la déchéance, la décrépitude comme disait l'un des vieux amis de ma famille mort à 92 ans, comme quoi l'on peut vraiment rire de tout. Il faut dire qu'Armand est drôle : une langue verte, directe emplie de vacheries, des passages à l'acte pas sympathiques pour ses congénères, mais de fait, sympathique, il ne l'est pas. Disons que ce n'est pas le voisin de chambrée idéal. Même s'il s'adoucit lorsqu'Élisabeth arrive dans la maison. Il ne perd pas sa verve pour autant, par exemple cet extrait de dialogue entre lui et elle, quasiment au début de leur rencontre :

"Quand j'ai vu votre perfusion, j'ai deviné que notre amour serait impossible.

- Pourquoi donc ?

- Avec tant de glucose dans vos veines, si j'embrassais vos lèvres, considérant mon début de diabète, ce serait un défi à la médecine." (p.82)

Je ne vous en dirai pas plus sur cette idylle naissante, ni sur le caractère d'Armand. Sachez que si j'ai trouvé le démarrage un peu long, la mise en place des personnages et des lieux, dès l'arrivée d'Élisabeth l'intérêt augmente et redouble carrément au mitan de l'ouvrage qui compte en tout 236 pages. Pour être complet, j'avais déjà lu avec bonheur Thiébault de Saint Amand dans Les dessous (en dentelle) de l'Élysée.

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16 février 2016

Je suis loin, très loin d'être un spécialiste du thriller, genre qui joue sur nos peurs et nos angoisses. Je serais bien incapable de dire si tel ou tel est écrit avec des grosses ficelles -encore que certaines sont quand même très vite identifiables-, mais il me semble que celui de Muriel Houri est finement bâti et habilement mené. Enfin, moi, il m'a plu de bout en bout. Le lecteur est beaucoup dans la tête d'Alice, un peu dans celle de Julien et parfois dans celle d'autres intervenants, amis du couple ou famille que l'on sent manipulateurs, pas "francs du collier" comme disait mon papa. Tous les personnages sont troubles, bizarres, étranges. On sent que chacun d'eux à un truc à cacher, même Alice qui semble la plus fragile, qui est la plus présente du roman, puisque c'est elle qui est choisie pour cible du jeu mené par... Par qui d'ailleurs ? J'avoue avoir été bien incapable de penser à un des protagonistes en particulier.

Julien et Alice sont enfermés dans leur mutisme, il aurait suffit d'un rien, d'un mot pour que toute cette histoire montée en thriller se déballonne très vite et ne soit qu'une explication peut-être un peu vive entre deux conjoints. Mais bon, je concède que vu comme cela, le roman aurait fait trente pages assez plates et qu'il n'aurait pas eu l'effet escompté par l'auteure, celui de tordre un peu les boyaux du lecteur sensible que je suis.

On ne lit pas un thriller pour le style littéraire adopté par son auteur -même si en la matière, Muriel Houri n'a pas à rougir, son écriture est directe, simple et fluide- mais pour son efficacité, et croyez-moi sur parole celui-ci en regorge : à peine 400 pages avalées en un rien de temps, car tout juste posé sur un coin de table ce roman reprendra place entre vos mains fébriles jusqu'à son dénouement.

Dernier né de la famille Flamant noir -pour le moment, il y en aura encore plein d'autres- et deuxième livre de l'auteure édité par la maison, je le trouve nettement meilleur que Menace que j'avais pourtant beaucoup apprécié. Plus angoissant. Un excellent cru.

Alma Éditeur

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23 janvier 2016

Si l'on ôte quelques longueurs (surtout sur la fin) et quelques agacements dus à la langue parfois un peu facile, notamment dans la suppression du "ne" de la négation, ce qui est légitime dans un dialogue, mais qui est ici quasi systématique, eh bien nous avons en main un livre plutôt agréable. Ce roman qu'on peut qualifier d'initiatique permet de noter que la société évolue : les romans initiatiques qu'on lisait auparavant mettaient en scène des jeunes gens de quinze à vingt ans, de nos jours, ils ont trente ans lorsqu'ils passent ce cap. Ceci étant dit, je suis un peu agacé par ces jeunes branchés qui écument les fêtes et ne peuvent s'y amuser que le nez plein de poudre, le chichon dans une main et un verre d'alcool dans l'autre. De fait, les personnages ne me plaisent guère, leurs comportements non plus, mais malgré tout, j'ai continué ma lecture jusqu'au bout, porté par les relations entre tous les protagonistes, et notamment celles entre Nicolas et les gens qu'il rencontre en Angleterre, sa logeuse, les amis d'icelle, les collègues, ... Grâce à eux, il pourra aller au bout de sa quête de Julie. Ce ne sont donc pas les personnages principaux qui m'ont tenu dans le livre -d'ailleurs la seconde partie où ils sont presque seuls m'a semblé plus longue, alors qu'elle ne l'est pas en nombre de pages-, non, ce sont les secondaires voire les tertiaires, ceux qui font que Nicolas se sente assez bien dans sa vie pour chercher Julie. Comme si cette vieille animosité Anglais-Français n'existait que dans les esprits des plus sots d'entre les deux pays (ce qui est évidemment le cas, isn't it ?).

Pierre Chazal écrit là un roman "tendre et loufoque" (4ème de couverture) qui se découvre et s'apprécie au fil des pages. Bien écrit -pas mal de dialogues en anglais, traduits en bas de page, mais avec un anglais de base comme le mien, on peut même se passer des traductions-, entre dialogues cash entre copains et descriptions plus poétiques, lyriques, la palette de l'écrivain est large et est pour beaucoup dans le fait que l'on ait envie de connaître la fin de l'histoire. Une découverte un peu gâchée par mes réserves ci-dessus, qui me laisse néanmoins sur une note positive à l'égard de l'auteur ; je me sens d'humeur à le relire.

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13 janvier 2016

Revoilà pour une sixième enquête, le trio du Département V, enrichi d'un quatrième larron, Gordon, qu'on avait déjà rencontré sur le tome précédent (L'effet papillon) et qu'on ne verra qu'en deuxième partie de roman, la première se déroulant en grande partie sur l'île de Bornholm. Fidèles à eux, ils sont cossards, flegmatiques, rusés, colériques, étranges, mystérieux, déprimés, de mauvaise foi... chacun empruntant tour à tour l'un de ces adjectifs et parfois même plusieurs en même temps. J'aime beaucoup cette série, je trouvais que depuis les deux derniers tomes, elle dérivait vers du divertissement et que ça pouvait être aussi une bonne chose, mais là, Jussi Adler-Olsen revient à des choses plus sérieuses. Son roman est assez complet sur les adorateurs du soleil, les sectes, gourous et thérapeutes de tout genre qui pullulent depuis quelques années (Jussi Adler-Olsen a l'intelligence de ne pas se positionner sur telle ou telle pratique, ou technique de soin laissant chacun se faire son opinion). C'est sans doute un signe que la société va mal et qu'individuellement, les gens ont besoin de se ressourcer, de revenir à des fondamentaux. Beaucoup sont perdus et un mec qui passe par là en leur promettant monts et merveilles peut les emmener dans son sillage. Atu Abanshamash Dumuzi est l'un de ceux qui ont l'aura suffisante pour créer un groupe voire une religion, la religion celle qui prétend être la mère de toutes les autres. En parallèle de l'enquête du Département V, on suit Atu et Pirjo, son bras droit qui est amoureuse de lui et prête à tout pour lui et pour le garder, même si lui voit en elle sa vestale. Classique dans sa construction, ce roman nous emmène là où son auteur le veut sans que le plaisir n'en soit émoussé. C'est très habile et finement joué.

L'isolement de quelques jours sur l'île de Bonholm est propice aux questionnements et Carl, la cinquantaine entamée, largué par Mona, seul avec son ancien collègue handicapé à charge (victimes tous les deux d'une fusillade avant le premier volume de la série, seul Carl s'en est sorti physiquement, leur troisième collègue est mort ; l'enquête est toujours quasiment au point mort, mais elle avancera encore un peu cette fois-ci).

Un vrai polar nordique, lent où chaque enquêteur est chargé d'un véritable travail de fourmi, en cela le déménagement de toutes les paperasses accumulées par Christian Habersaat au Département V en est presque le paroxysme : j'ai rarement vu autant de papiers et de démarches à faire, et c'est Gordon qui s'y colle ! En prime et en fin de roman, Carl Morck passe par Ystad, en Suède, un clin d'œil au flic référence des polars du nord, Kurt Wallander ; clin d'œil d'autant plus évident que cette sixième enquête se rapproche nettement de celles du flic d'Henning Mankell, plus dense, plus fouillée que les dernières de Carl est ses acolytes.

Une série que ne me déçoit pas, au contraire... la preuve, je n'ai pas vu défiler les 640 pages.