Laurence G.

Libraire passionnée à Epinal depuis 2013.

Conseillé par (Libraire)
23 août 2023

Un très beau roman féministe au temps des cathédrales

Plonger dans l'Histoire par le biais de la fiction m'a toujours plu et quand le roman est réussi, c'est un vrai plaisir que de voyager ainsi dans le temps.
L'auteure nous transporte dans le Paris des années 1470 et nous fait découvrir l'amour croissant d'une fillette, Marguerite, dotée d'une sensibilité extrême, pour le monde du dessin et des couleurs. La petite est en effet née en 1468 au sein d'une famille d'enlumineurs. Son grand-père et son père dirigent un atelier réputé pont Notre-Dame, l'atelier A l'Étoile d'or. Or, l'époque est à la paix, les activités de l'artisanat et du commerce sont en plein essor et ce sont désormais des familles aisées qui souhaitent avoir leur propre Livre d'heures enluminé par les artistes peintres selon leurs demandes.
Mais Marguerite est une fille et sa mère ne souhaite qu'une chose, lui apprendre à devenir une jeune fille bonne à marier.
L'univers de l'enluminure est reproduit ici par petites touches, dans des chapitres courts et avec beaucoup de poésie. C'est avec les yeux de Marguerite que l'on découvre le travail, l'atelier, les matériaux utilisés et le savoir-faire de ces artisans de la beauté.
On va suivre Marguerite dans l'affirmation de cette passion tout au long des années qui vont passer jusqu'à l'an 1499. A travers son histoire, on va découvrir les événements intimes qui vont la toucher mais aussi ceux qui vont rythmer la vie de sa famille et celle des Français.
L'auteure, elle-même relieuse, transcrit admirablement les sensations liées au travail de l'enluminure mais également les sentiments de ses personnages et cela avec beaucoup de finesse.

Conseillé par (Libraire)
22 août 2023

Un roman d'aventures au temps des galions

Plein du fracas des conquêtes maritimes portugaises, ce roman passionnant va faire se croiser le destin de multiples personnages dont les trois principaux : Fernando, Diogo et Marie. Le récit se déroule sur plusieurs années, entre 1623 et 1627, et nous fait aborder de multiples rivages : ceux du Brésil, ceux du comptoir de Goa en Inde et ceux des plages landaises du Médoc.
L’histoire du très catholique Portugal en ce XVIIe siècle est reconstituée au travers des périls encourus sur les mers par ses bateaux de guerre et de commerce et sur des terres lointaines pillées par ces « maîtres des mers ».
Évoquant les romans de piraterie mais également roman historique relatant l’occupation de ces territoires tant convoités, promesses de produits exotiques raffinés et de main-d’oeuvre bon marché, Pour mourir, le monde raconte aussi les batailles entre pays occidentaux pour conserver les comptoirs notamment brésiliens : si les Portugais et les Espagnols ont su jusque-là s’imposer dans cette partie du monde, les Hollandais tentent en effet d’enlever ces ports à la force des canons emportés sur leurs galions.
Mais peu importe, que l’on soit Portugais ou né sous une autre étoile, on navigue, on fait naufrage (ou pas), on évangélise, on commerce, on change de maître quand on peut pour en trouver un plus aimable et on trucide à tout va…
Dispersés entre Brésil, Inde et côtes françaises, Fernando, Diogo et Marie vont se trouver au bout de leurs histoires…
Yann Lespoux nous offre un premier roman foisonnant, habilement construit en chapitres qui alternent personnages et lieux et extrêmement riche en détails et en descriptions historiques. Entraînés dans les remous de l’Histoire, on ne s’ennuie pas un instant à sa lecture, l’un des gros coups de coeur de cette très belle rentrée littéraire !

Conseillé par (Libraire)
19 août 2023

Une histoire au souffle romanesque indéniable !

Art, passions, guerres et jeux de pouvoir se percutent dans ce roman magnifique.
Tout commence dans un monastère italien où Vincenzo, abbé de son état, est le seul des 32 religieux que compte le lieu à avoir accès à une Pietà qui sommeille depuis fort longtemps dans l’un des sous-sols profonds de la bâtisse. Mais il veille aussi sur un vieillard moribond qui a vécu 40 ans aux côtés des moines sans pourtant être des leurs : Michelangelo Vitaliani est son nom et c’est son histoire qui va nous être merveilleusement contée.
Michelangelo, dit Mimo, est un personnage tel qu’on en fabrique dans les contes ou les épopées. Né en France en 1904 de parents immigrés italiens, Mimo a dans les mains de l’or ; son père, sculpteur, mort jeune dans les tranchées de Verdun, a eu le temps de le former aux rudiments de l’art de la pierre ; c’est en retournant à ses racines, en Ligurie, que Mimo va pouvoir affiner son talent. Confié par sa mère à un ami de la famille, lui-même sculpteur mais bien piètre artisan, il va peu à peu prendre sa place au sein de l’atelier et bientôt remplacer le « maître ».
Jean-Baptiste Andrea a choisi pour structurer son roman et sans doute pour en briser une éventuelle monotonie de ton, d’alterner le récit de Mimo à la première personne et des chapitres se déroulant dans le couvent.
Dévoilant la trajectoire d’un artiste et d’une sculpture exceptionnels, narrant les affres que cet homme va traverser et sa rencontre avec une jeune fille et une famille qui le façonnera, l’auteur nous conte aussi l’Italie dans cette première partie du XXe dans un style plein de panache et de superbe. Pouvoirs de l’Église et du Politique drapé de noir, jeux de séduction et de dupes, amours illusoires et femmes contraintes, Andrea dépeint des personnages puissants en prise avec leur époque et avec leurs démons. Une histoire remarquable habitée par un souffle romanesque indéniable, un très gros coup de coeur !

Benjamin Dierstein

Points

10,90
Conseillé par (Libraire)
31 juillet 2023

Un polar intense et rythmé

Amateur.trice de pavé, de polar et de politique, ce très gros roman policier de l'auteur français Benjamin Dierstein vous emmènera dans des contrées que nous ne parcourons jamais, nous autres, si ce n'est de façon livresque : celles de la grande criminalité habillée en costard de marque et Rolex au poignet mais trempant son âme ou le peu qu'il en reste dans les eaux marécageuses les plus glauques.
Prostitution de luxe, fraude fiscale à gogo et pédocriminalité constituent le fonds du tableau dans lequel va évoluer la Brigade Criminelle parisienne constituée par une brochette de flics qui ne se veulent pas du bien, ce qui va pimenter un peu plus le récit...
Un roman très bien charpenté et une écriture habile qui entraînera le lecteur jusqu'au bout de l'enfer...
(Ames sensibles s'abstenir).

Conseillé par (Libraire)
31 juillet 2023

Un roman bouleversant et solaire sur l'enfance saccagée

Les années 90 constituent la bande-son de ce roman magnifique et la ville de Marseille son décor, pas le Panier ou le Vieux-Port, non, c’est entre les tours dégradées et taguées du quartier dénommé « Arthaud », quartier à la périphérie de tout, et dans le quartier gitan tout proche, dénommé « passage 50 », que va se dérouler l’essentiel de l’histoire de Karel, le narrateur. Il forme avec Hendricka, sa sœur cadette, et Mohand, le benjamin, une fratrie fracassée par un père violent, méprisant, alcoolique et drogué, et une mère soumise et névrosée. Ce roman est celui de l’enfance meurtrie mais c’est aussi le roman de l’amour qui va permettre aux trois enfants de dépasser leurs meurtrissures.
Si Karel et Hendricka sont deux enfants à la beauté solaire et insolente, Mohand est né affublé de diverses maladies et handicaps qui vont en faire le bouc émissaire de la frustration permanente du père. Karel va essayer de s’interposer mais ne faisant que redoubler la colère du père et incapable de défendre Mohand, obligé de se terrer dans un coin de l’appartement et d’assister à cette impitoyable curée, il va développer année après année un sentiment de honte et de dégoût de lui-même. Son échappatoire, il va la trouver dans l’amitié qu’il va nouer avec un jeune gitan, Rudy, copain de classe depuis toujours et frère adoptif. Rudy va l’introduire dans sa famille, son monde et sa culture et ce refuge de caravanes va bientôt accueillir de la même façon Hendricka, puis Mohand un peu plus tard…
Ce roman est aussi délicat qu’il est dur, brut et dramatique ; il nous fait tanguer entre la violence de cette famille dysfonctionnelle et la vie de Karel en-dehors de cet enfer familial faite de moments de bonheur intense échappant au fatalisme. Karel ne goûte pas la vie, il l’arrache à pleines dents. En quelques pages, l’auteure nous entraîne dans le sillage de son personnage et on ne peut lâcher le livre qu’à la dernière page, épuisé, bouleversé.