Un 1er roman court et percutant
De nombreux éléments font de ce roman un proche parent de ceux écrits par les Américains : une histoire qui s'ancre dans une nature grandiose mais rude, des personnages aux parcours cabossés et à la recherche d'une rédemption impossible, une écriture rythmée et sans apprêt. C'est tout cela que recèle ce "Blizzard" que j'ai ouvert sans idée précise de ce que j'allais y trouver mais que je n'ai refermé qu'une fois la dernière page terminée, bien secouée.
Les personnages qu'on y découvre sont tous masculins exceptée Bess, une jeune femme par qui le drame arrive. Se trouvant dehors alors que le blizzard s'est mis à souffler sur le coin paumé de l'Alaska où se déroule toute l'histoire, Bess a perdu de vue l'enfant qui l'accompagnait et dont elle avait la charge. La disparition du petit Thomas va créer un branle-bas de combat et deux hommes du hameau vont partir à la recherche de l'enfant. Ce temps de la recherche va devenir peu à peu le temps de l'introspection et les habitants de ce minuscule village - 5 au total - vont prendre la parole tour à tour laissant peu à peu se dessiner une tragédie chorale.
La construction du roman est particulièrement habile, mécanique astucieuse qui prend le lecteur au piège dès les premières pages ...
S’inspirant de la figure de sa grand-mère maternelle, l’auteur américain nous livre l’histoire d’une fratrie, Ilmari, l’aîné, Matti le benjamin et Aino, la cadette.
Obligés de fuir la Finlande sous emprise russe en ce début de XXème siècle, ils émigrent tous trois aux Etats-Unis dans l’État de Washington ; alors qu’Ilmari s’établit en tant que forgeron, tandis qu'Aino en tant que cantinière et Matti en tant que bûcheron trouvent du travail dans une colonie de bûcherons et rejoignent Suédois, Norvégiens et d’autres Finlandais réputés pour ce travail harassant et dangereux. Les arbres à abattre sont issus des forêts primaires et donc gigantesques, le travail est fait dans des conditions précaires et dangereuses. C’est une partie de l’histoire des Etats-Unis que nous raconte donc Marlantes, construits grâce au travail mal rémunéré de millions d’hommes et de femmes venues là trouver une vie meilleure.
Chacun des membres de la fratrie a une idée précise de ce qu'il veut devenir et l’on va suivre leur destinée ainsi que celle de leurs compagnons de travail et de vie dans une fresque remarquable où se mêlent la trajectoire des émigrés, la lutte pour les droits des travailleurs, la modernité qui bouleverse tout et le fracas de la 1ère Guerre Mondiale qui va également toucher de plein fouet les personnages magnifiques de ce roman exceptionnel.
Une histoire savamment construite et très forte !
On savait Rochette attaché à ses montagnes alpines ; il en fait à nouveau plus que le décor de son nouveau roman graphique, un personnage à part entière.
Édouard Roux, un enfant du Vercors, a été élevé par sa mère dans une cabane de montagne ; quand la Première Guerre mondiale éclate, il est appelé au front et en reviendra défiguré.
Edouard est désormais un homme détruit par ce qu'il a vu et commis, honteux de ses blessures et qui n'ose pas revoir sa mère à cause d'elles. Le hasard va l'emmener jusqu'à Paris pour trouver une jeune sculptrice, Jeanne Sauvage, dont on lui a dit qu'elle arrivait à redonner un visage aux gueules cassées.
Leur rencontre va constituer un tournant dans la vie de Jeanne qui va accepter de suivre Edouard dans ses montagnes natales.
Ces deux personnages sont magnifiques, pleins de passion ; leur rencontre et leur amour va leur permettre de réinventer leur vie et de croire en l'impossible. Mais la haine et la méchanceté des hommes qu' Edouard a déjà dû affronter enfant va s'acharner sur eux...
Le rapport à la nature sauvage, le respect dû aux animaux et leur caractère sacré nimbe tout le récit de Rochette.
Le drame qui court tout au long du récit est intensifié par le dessin au trait épais où le noir domine, épuré de tout détail et si caractéristique de Rochette. Ses planches épousent le scénario lui aussi tendu vers l'essentiel et d'autant plus fort et où la question de la cohabitation de l'homme et de l'animal sur cette planète est au centre du récit.
LE GRAND ROMAN DE KHADRA !
Le nouveau roman de Khadra est superbe, épique et poignant.
Le narrateur, au seuil de la mort, va nous raconter son passé, emporté dans sa jeunesse par les traîtrises des notables, ballotté par les roublardises de la grande Histoire entre 1914 et les années 60, pris au piège de sa naïveté et de son honnêteté foncière. Il va nous emmener dans les tranchées de Verdun, au fin fond du désert algérien, à Oran et à Sidi Bel Abbès, pourchassé par celui qui n'aura de cesse de l'envoyer au bagne.
Le magicien Khadra nous ensorcelle à nouveau avec cette langue précise et pleine de poésie et nous conte le sort qui s'acharne, la misère des siens et la foi en la vie et en l'amour.
Un incontournable de cette rentrée littéraire !
Un 1er roman magnifique à la construction parfaite
Découvrir un nouvel auteur est toujours une expérience exceptionnelle dans mon parcours de lectrice ; j'ai eu le bonheur de trouver sur mon chemin ces jours derniers ce très beau roman d'un jeune auteur afro-américain entendu en septembre au Festival America.
Harris a situé son histoire dans l'Etat de Géorgie à la fin de la guerre de Sécession en 1865 et nous raconte l'histoire de deux frères, Prentiss et Landry, jeunes adultes esclaves jusque-là dans une plantation et qui décident d'en partir dès leur liberté proclamée.
Campant dans les bois tout proches, ils essayent d'imaginer ce que la vie va pouvoir désormais leur offrir et doivent tout d'abord trouver du travail mais aucun blanc ne veut embaucher les esclaves affranchis en les rémunérant.
La rencontre avec le propriétaire des terres où ils se sont arrêtés va bouleverser leur plan et leur vie.
George Walker vient, lui, de perdre son fils parti à la guerre. Empli de chagrin, la rencontre avec ces deux garçons va lui permettre de reprendre vie. Il va leur proposer de travailler ses terres en les payant car la confiance s'établit très vite entre eux. Mais dans un pays déchiré par 4 ans de guerre civile, la haine et le mépris des vaincus ne peut que se déchaîner sur ceux qui représentent un nouvel ordre des choses.
Les personnages, principaux ou secondaires, sont tous très bien dessinés. Le couple que forment Walker et sa femme, Isabelle, sont deux caractères riches et originaux.
La tension du roman va crescendo et le style de Harris d'une maturité impressionnante participe indubitablement au plaisir de lecture.
Racisme, égoïsme, étroitesse d'esprit et hypocrisie sont les maux qui vont accabler nos personnages, doués comme le phénix du pouvoir de renaître des cendres...