Laurence G.

Libraire passionnée à Epinal depuis 2013.

Conseillé par (Libraire)
15 février 2023

Quand on tourne la tête pour regarder derrière soi, ce qu'on voit ne correspond pas toujours à la petite phrase "c'était mieux avant" et ce roman tout juste paru chez Rivages nous le confirme.
C'est en 1962 que Lecas nous fait repartir, dans cette bonne ville de Marseille qui outre un port, des bateaux, une Cannebière et quelques flics compte aussi des types qui n'ont qu'un but dans la vie : s'en mettre plein les poches par tous les moyens illégaux possibles. Et quand le maire de la ville, un certain Gaston Defferre, vous y aide, c'est encore mieux car plus rapide.
Mais commençons par le début : deux cadavres de ressortissants algériens dont on a littéralement siphonné le sang vont être trouvés à quelques jours d'intervalle. L'enquête est confiée à deux inspecteurs qui n'ont rien en commun si ce n'est leur employeur. Le crime, peu commun et plutôt glauque, les porte vers la piste de l'OAS qui sévit encore à plein.
Pendant que certains se font égorger, d'autres tentent de monter un business basé sur la transformation de cocaïne pure. Le marché américain est vaste et Marseille a des chimistes et des laboratoires à la pointe dans ce domaine : pourquoi hésiter ?
Ajoutez à cela des membres du SAC, des militants du PCF, d'anciens résistants, un ex collabo et de vieilles haines, vous obtenez un cocktail explosif.
Lecas ne ménage ni son lecteur ni ses personnages : l'assassinat des deux Algériens va révéler des ramifications souterraines qui vont être peu à peu mises à jour dans une trame complexe et une narration au cordeau.
L'auteur appartient à la même famille que Pagan, Paulin, Leroy ou Manotti : en quelques pages, ils arrivent à recréer un lieu, une ambiance, un morceau de notre histoire commune, des personnages qu'on n'oubliera pas, tout cela avec un style qui est propre à chacun mais qui nous embarque à chaque fois. Et on en redemande...

Éditions de L'Olivier

23,50
Conseillé par (Libraire)
30 janvier 2023

Un roman empli de force féminine !

S'éloignant de son Amérique natale et contemporaine, Lauren Groff nous offre avec ce nouveau roman un portrait magnifique d'une poétesse du XIIème siècle qui n'a laissé comme seule trace de son existence qu'une poignée de lais et quelques contes.
Nous faisons connaissance au tout du début du roman avec une jeune fille de 17 ans, chevauchant pour rejoindre le monastère où Aliénor d'Aquitaine l'envoie comme prieure.
Marie découvre là un lieu rongé par la pauvreté, la faim et le froid, habité par une dizaine de religieuses en piètre état.
Peu disposée à se réjouir de cet exil de la cour, elle découvre sa nouvelle vie avec des pierres sur le coeur.
Elle doit cependant composer avec ses obligations et va déployer, une fois sortie de l'affliction, une énergie et une habileté réelles pour sortir le monastère de son indigence. Elle va s'acharner à remettre sur pied et le lieu et les femmes, tout en construisant sa réputation de prieure à craindre. Lauren Groff la dote d'un physique exceptionnel ce qui renforce encore sa légende.
Admirable, cette fiction l'est tout autant que son personnage principal, femme forte, cédant aussi à ses pulsions charnelles, pleine d'une intelligence vive et fine.
Elle va créer en ce lieu, petit à petit, un esprit d'entraide entre les femmes et qui va prospérer grâce aux dons de chacune qu'elle va encourager et mettre à jour. Elle n'hésitera pas non plus à attaquer par la ruse ceux qui veulent les soumettre par l'épée.
Roman original, Matrix nous emporte loin et même si nous ne savons rien de la vie de Marie en particulier, l'auteure nous offre un tabelau saisissant de ce que pouvaient vivre ces femmes à cette époque. Elle dépeint une époque où rien n'est simple, surtout pour les femmes, mais où la détermination et le courage permettent un enrichissement collectif.

16,50
Conseillé par (Libraire)
24 janvier 2023

Subtil, sec, une gros coup de coeur de cette rentrée littéraire !

A chaque nouvelle parution de l'auteure, nous savons que nous allons retrouver son écriture serrée et dense à laquelle elle nous a habitués livre après livre. C'est ce que nous aimons tant chez elle, cette netteté dans le style et cette façon de pénétrer la matière de l'humain, ses faiblesses, ses forces, sa solitude, ses "sources" : qu'est-ce qui constitue un personnage, un groupe, une famille, d'où viennent-ils, que charrient-ils et peuvent-ils laisser la mémoire de leur corps et de leur âme pour recommencer et renaître ailleurs ?
Ici il est question d'une famille d'agriculteurs trentenaires, mariés jeunes, en 1959, avec 3 enfants désormais.
Le couple a acheté une ferme et des terres ; le mari connaît son affaire, il a ça dans le sang, comme son père et avant lui encore, la ferme est prospère mais il est aussi violent : coups et mots qui blessent sont le quotidien de sa femme.
Comment échapper à cette vie quand les femmes qui divorcent alors sont mises à l'écart, telles des êtres indignes, quand l'argent et l'orgueil d'être propriétaire d'une si belle ferme comptent tant, quand la solitude et l'isolement renforcent l'idée qu'on est invisible aux yeux des autres...
En trois chapitres portés par trois dates, on assiste à ce qui se joue là, on retient son souffle, on espère.
Un roman subtil et fort.

Sonatine éditions

25,00
Conseillé par (Libraire)
17 janvier 2023

Quand il faut affronter son passé pour continuer à vivre...

A la croisée du roman noir et du roman psychologique, l'histoire se déroule dans une bourgade du fin fond du Canada, Jasperville, où le climat est des plus rudes.
L' exploitation d'une importante mine d'acier fait vivre toute la population coupée du reste du monde en hiver lorsque la neige y est trop abondante. C'est cet environnement hostile que la famille Deveraux va découvrir en s'y installant en 1969. Henry, père de 3 enfants, y a trouvé du travail et la possibilité de repartir à zéro.
💨 C'est autour du personnage du cadet de ses enfants, Jacques, que tout le récit s'articule. Jacques a fui la maison et Jasperville à l'âge de 20 ans suite à une série de meurtres dans la ville et de tragédies au sein de sa famille, sans jamais plus donner de signes de vie. Hanté par ces drames, il n'a pas su se construire une vie de famille et fréquente peu de monde. À 45 ans, il travaille en tant qu'expert en incendies pour une compagnie d'assurances à Montréal quand la police de Jasperville le contacte pour lui annoncer que son jeune frère a été arrêté pour agression sur un homme qu'il accuse de meurtres survenus des années plus tôt.
Jacques décide de retourner dans l'enfer blanc synonyme de douleurs et de pertes pour comprendre ce qui a motivé son frère qu'il n'a pas vu depuis 25 ans.
Au-delà de l'enquête, atypique et très bien menée, que va devoir mener Jacques pour innocenter son frère, Ellory dépeint admirablement une famille, ses failles et ses non-dits mais également les croyances d'une population en proie à l'inexplicable et victime par ailleurs de l'oubli de l'administration à son égard. Les meurtres vont être le déclencheur de drames au sein de la famille Deveraux et vont bouleverser à jamais son univers.
Un excellent roman mené de main de maître !

Éditions de l'Observatoire

21,00
Conseillé par (Libraire)
17 janvier 2023

Un très beau roman sur l'ostracisation des Japonais canadiens dans les années 40

Le tout nouveau roman de l'auteure, journaliste au Monde, entraîne le lecteur dans une période sombre du Canada, pendant la guerre américano-japonaise, celle du bannissement du droit à la citoyenneté des Japonais et des américains d'origine japonaise.
1926 : une fois arrivées au Canada, pour Aika et Kiyoko, futures mariées qui ont sympathisé durant le voyage éprouvant qu'a été le leur, les désillusions vont être à la hauteur des espoirs que cette nouvelle vie devait leur apporter.
Aussitôt arrivées, les deux jeunes femmes vont être séparées mais ne vont toutefois pas baisser les bras ; on suit les aléas de leur installation, la naissance de leurs enfants et leurs retrouvailles. Alliées dans l'infortune, elles commencent à s'installer dans une vie meilleure lorsque les premières lois concernant l'ostracisation des Japonais et de leurs enfants nés pourtant canadiens apparaissent.
1956 : Parallèlement à l'histoire de Aika et de Hannah, sa fille, on va découvrir un autre personnage, Jack. Patrouilleur de rivières pour le compte du gouvernement, il doit recenser le nombre de poissons sur un secteur donné afin d'établir les quotas de pêche. Il a choisi la solitude et la vie dans la nature. Il traîne avec lui une douleur sourde liée à son histoire familiale.
Les destinées de ces personnages vont se percuter. L'intensité dramatique est présente tout au long de ce livre magnifique qui relate de façon romancée le calvaire vécu par la communauté japonaise mais également la force de caractère de personnages exceptionnels. Alternant les époques et les points de vue, Marie Charrel a construit une histoire prenante qui se base sur des faits historiques.