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    4 décembre 2017

    Après le bon L'affaire des corps sans tête, puis l'aussi bon L'affaire de l'homme à l'escarpin, voici cette troisième aventure de Victor Dauterive, jeune noble en rupture familiale, versé dans la gendarmerie par son protecteur La Fayette à qui il croit devoir fidélité et reconnaissance, dans des temps particulièrement troublés et violents ; il faut dire que le marquis le tient : "Vous êtes mineur, Victor. Pendant deux ans, votre père a encore tous les droits sur vous. Y compris celui de vous placer en maison de correction, tête de mule que vous êtes. Et il le ferait, croyez-moi, si vous n'étiez pas officier de gendarmerie. Que croyez-vous qu'il se passerait si ce n'était plus le cas ?" (p. 165).

    La bataille est rude entre les divers groupes de députés et les nombreuses formations politiques en présence. Les aristocrates en exil montent une armée pour rétablir le roi, d'autres en France rêvent d'une monarchie constitutionnelle, d'autres de se défaire de celui qu'ils considèrent comme un despote. Les coups sont bas et pleuvent. Tout est permis pour incriminer son adversaire et profiter de ses faiblesses pour le discréditer. La guerre est en attente, aux portes de Paris, le sujet de discussion du moment. C'est donc dans ce monde-là que Victor évolue et cette fois-ci, il sera plus espion qu'enquêteur. Néanmoins, ça ne l'empêche pas de tomber dans des pièges, des traquenards, sa jeunesse et sa relative naïveté au moins sa confiance en les lois et les règles ne lui servant pas pour les déjouer. Il est frais et c'est cela qui est bien, loin des flics habituels blasés et qui réussissent tout du premier coup. Il s'endurcira sans doute, mais comme JC Portes a la bonne idée de resserrer ses intrigues sur quelques mois (puisque la première se déroule début 1791), Victor reste un poil candide. Sa volonté, son opiniâtreté, sa force de caractère et son intelligence lui permettent de s'en sortir. Je l'aime bien Victor, il est vivant, humain, certes, un peu coincé, mais bon il vit en 1791, les mœurs ne sont pas tout à fait les mêmes que de nos jours.

    Plus haut, je parlais des bons tomes 1 et 2, là, vous me permettrez d'écrire l'excellent tome 3. Les quelques réserves émises pour les deux premiers ont -presque- disparu (il reste quelques coquilles, gênantes mais pas rédhibitoires). La longueur, eh bien, je ne l'ai pas ressentie dans ce volume, sans doute parce que, bien que plus gros de 100 pages (530 pages avec les notes et les remerciements de l'auteur), JC Portes maîtrise de mieux en mieux son sujet. Le contexte est passionnant, je ne suis pas spécialiste de l'époque, j'apprends beaucoup. Ses personnages s'épaississent, Victor bien sûr, mais aussi son ami Olympe de Gouges très présente, ses amis et ses ennemis du moment (j'aime bien le clin d’œil à Alexandre Dumas avec le nom de la belle anglaise, Miss Winter, amie ou ennemie (?), je n'en dirai pas plus). On pourrait croire que Victor et son créateur s'éparpillent puisque deux affaires sont en cours de ce volume, mais que nenni, un gendarme peut enquêter sur deux histoires simultanément, "sacrediou", comme dirait Olympe qui aide son ami sans son accord.

    Tout cela est drôlement bien ficelé et se lit avec un grand plaisir, une impatience à connaître le dénouement et une volonté de prolonger un peu les moments passés en cette compagnie et cette époque, bien au chaud dans mon canapé. Troisième tome très convaincant, à consommer et partager sans modération, un coup de cœur !