Les taupes

Félix Bruzzone

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  • 22 octobre 2010

    Troublant. Voilà le qualificatif le plus adéquat qui me soit venu à l'esprit tout au long de la lecture de "Les taupes", premier roman de l'Argentin Félix Bruzzone.

    "Les taupes", un titre intriguant. Les taupes, los Topos, désigne ceux qui, sous toute latitude, dénoncent, accompagnent, vivent sous les gouvernements autoritaires et dictatoriaux.

    Le récit est surréaliste. Le narrateur, un fils de disparus de la dictature argentine, part à la recherche d'un frère qui serait né alors que sa mère était captive dans un centre de torture... Le jeune homme est confronté à la rupture avec sa petite amie (enceinte mais qui veut avorter), à la mort de sa grand-mère, à la mise en vente de l'appartement où il a été élevé et à sa rencontre avec un mystérieux travesti dont il va tomber amoureux. Autant de situations qui le poussent à la dérive, entre Buenos Aires et Bariloche, au pied des Andes.

    A travers la recherche de son passé, de cet hypothétique frère et de sa propre identité sexuelle, le narrateur, mal dans sa peau, déprimé, part dans des délires paranoïaques. L'errance va peu à peu le marginaliser jusqu'à ce qu'il finisse dans les bras d'un homme, violent parfois, adepte d'injures envers les homosexuels mais attentionné et aimant...

    Une étonnante quête initiatique, pour le moins politiquement incorrecte, dans un monde on ne peut plus glauque. Et pourtant, on se prend d'affection pour ce jeune homme perdu et on espère d'heureuses retrouvailles familiales...


  • Conseillé par
    15 juillet 2010

    Errances argentines.

    Jeune auteur argentin, il est né en 1976, ses parents font partie des nombreux disparus de la dictature argentine. Ce livre qui mêle road-movie et conquête du Graal est pour moi une expérience, car ma connaissance de la littérature d'Argentine est proche du zéro.

    La grand-mère du narrateur est persuadée que sa fille a eu un second fils durant sa captivité dans les geôles d'Argentine. Le narrateur entend des bribes de conversation à ce sujet, conversations qui s'arrêtent quand ses grands-parents l'aperçoivent !
    Plus tard dans un pays en reconstruction politique et en quête de vérité , il cherche lui aussi sa propre identité. Romina est enceinte de lui, mais il refuse cet enfant et ils se séparent, puis il fait la connaissance de Maïra, travesti dont le comportement l'intrigue ! Est-il un agent secret ? Un assassin ? Un mouchard ?
    Son demi-frère? Une parole de Maïra le hante :
    « Va t-en ou je te tue toi aussi ».
    Maïra disparaît, l'errance du narrateur prend un tour dramatique, il perd sa grand-mère, son logis. Commence alors une grande errance l'amenant petit à petit à la clochardisation....
    Alors il rencontre Marino qui l’héberge et lui redonne un semblant de vie proche de la normalité, ils construisent ensemble une maisonnette, puis décident de partir s'établir à Bariloche....
    Une nouvelle vie commence pour eux, ils travaillent dans le bâtiment, mais les évènements et les nouvelles rencontres vont de nouveau précipiter le chaos...
    Le narrateur, figure centrale de ce livre, semble ballotté par les événements et sombre peu à peu. Sa quête familiale, la recherche de ses parents, père, mère et frère, si ce dernier est réel, sera chaotique, mais l’amènera à rencontrer des activistes politiques et des marginaux de toutes sortes. Sa sexualité sera aussi pour lui une source de questions et de mode de vie.
    Beaucoup de personnages dans ce récit, Romina, le première amour, Maïra, travesti personnage très ambiguë dont il s'éprend aussi. Mariano, élève architecte, pense que pour bien faire ce travail, il faut commencer par le bas, monter des murs, manier la truelle, etc...Il apparaît comme un personnage sympathique, au début...Mica, un autre travesti paraguayen, va aussi prendre sa part du voyage initiatique du narrateur. El Alemàn, lui par contre, est le personnage ignoble de l'histoire, machiste, homophobe et vantard, bref le pourri de service. Une plongée assez hallucinante dans la mouvance des travestis en Argentine, dont certains travaillent dans le bâtiment!
    Un monde étrange et souterrain à la lisière de la normalité dans un pays marqué par une histoire très récente. Un pays qui se remet de la douleur des tragiques évènements qui se sont déroulés sous la dictature, avec par exemple les manifestations des HIJOS (organisation d'enfants des disparus).
    Une partie de cette histoire se passe à Bariloche au pied de la cordillère des Andes, ville en pleine expansion ( au moment de l'écriture de ce livre du moins), ce qui explique la présence d'un quartier paraguayen, mais aussi coréen! Et cette ville était aussi un lieu de refuge pour certains allemands qui avaient fui l'Europe à la fin de la guerre.
    J'ai eu beaucoup de mal à entrer dans ce récit, pourtant le style de l'histoire semblait me convenir.
    Pas le bon livre au bon moment, dommage !