Il reste la poussière

Sandrine Collette

Denoël

  • Conseillé par
    9 octobre 2016

    Magnifique !

    Difficile de tourner la dernière page sans ressentir une émotion forte, plus que forte, quelque chose de rare après une lecture, le sentiment d'avoir été happée par les mots, les odeurs, les couleurs, les cris, les espaces infinis. Un texte magnifique, âpre, dur, sans concession. Le style de Sandrine Collette est là, bien présent, reconnaissable entre cent et toujours aussi puissant. Un grand bravo pour ce texte audacieux, cette volonté généreuse de partage avec le lecteur. Sandrine Collette fait partie des grandes romancières et c'est avec impatience que j'attends son prochain roman, elle ne m'a jamais déçue.


  • Conseillé par (Libraire)
    27 avril 2016

    Il reste la poussière

    Après le Morvan puis les vignobles champenois, après l'Albanie, Sandrine Collette continue son tour du monde du roman noir en partant pour la Patagonie. Nous voici en immersion au sein du ferme de gauchos dirigée par une mère tyrannique dont les seuls employés, ou plutôt esclaves, sont ses quatre fils.
    Et nous allons suivre la décadence de cette famille, commencée depuis longtemps, car comment faire face aux superstructures agricoles gérant des milliers de têtes de bétail ? Les petits élevages sont amenés à disparaître, la viande ne rapporte plus assez, ils ont été repoussés dans les terres hostiles et peu généreuses en céréales. La mère décide de ne pas voir, de ne pas renoncer, quitte à laisser ses garçons se mener une guerre impitoyable pour la place de dominant, quitte à laisser son dernier Rafael subir les pires traitements tel le seul objet de distraction dans cette misérable pampa.

    Seulement malgré tous les efforts de la mère pour maintenir le joug bien serré, il lui est impossible d'éviter les contacts avec le monde extérieur. Et ces échanges ne sont pas sans conséquence, la fratrie ne peut pas ne pas voir que « les autres » fonctionnent bien différemment, voire pire encore : découvrir que l'espoir existe, et Rafael, si peu armé pour affronter la violence, sera l'un de ses principaux porteurs.

    Sandrine Collette nous a déjà démontré sa capacité à nous embarquer dans des intrigues à l'ambiance de plus en plus épaisse. Ne rêvez pas, vous n'y échapperez pas plus cette fois-ci. La richesse des personnages est saississante. Notre auteur nous a aussi habitués à être immergés dans des milieux hostiles, ce roman ne fait pas exception. Et pourtant Sandrine Collette a une capacité à se renouveler absolument étonnante. Il reste la poussière se rapproche encore plus du Nature Writing, en s'écartant du roman noir pour venir flirter avec le roman, tout simplement et avec grand talent. Et honnêtement, Sandrine Collette n'a vraiment pas à rougir devant quelques spécialistes de cette littérature : David Vann, Ron Rash ou encore Pete Fromm pour ne citer qu'eux.


  • Conseillé par
    22 février 2016

    Que voilà un roman sombre, dur, violent, noir et en même temps passionnant et avec quelques lueurs d'espoir. En Patagonie, la mère a hérité d'une estancia dans un milieu désertique, hostile. Elle rapporte peu, même pas de quoi payer les dettes accumulées du temps du père et du grand-père, alcooliques. C'est une femme forte, au caractère d'acier qui élève ses fils à la dure. Aucun ne se rebelle ni même ne moufte. Durs à la tâche, ne gagnant rien, pas un peso pour aller à la ville de San Léon boire une bière ou voir les filles. Ils grandissent ne semant pas le moindre amour entre eux et ne récoltant donc rien, d'autant plus que leurs cœurs sont aussi secs que leurs terrains. La haine, la jalousie, la domination et la soumission par la force et puis le travail, l'abrutissement au travail, et encore du travail, sept jours sur sept. Rafael et Steban sont ceux dont on pense qu'ils pourront s'en sortir, plus sensibles, plus rabroués, tabassé même pour le petit. On sent qu'il pourrait faire quelque chose, mais osera-t-il quitter cette terre et sa famille ?

    "- Les gars disent que ton estancia, c'est l'enfer sur terre. Joaquin se tourne vers les troupeaux sans répondre, perplexe. L'enfer. Merde, d'où ça sort, ça, qu'ils connaîtraient la ferme et la mère, qu'ils parlent de chez lui comme d'un abîme - ou alors certains sont venus pour les saisons, il ne les remet pas, c'était il y a longtemps car la mère a décidé depuis des années que ses fils suffiraient à la peine, mais tout de même, il a bonne mémoire lui Joaquin, surtout les visages, est-ce qu'ils étaient là pour les tontes ? L'enfer." (p.104)

    Roman à multiples voix, tous les garçons, tour à tour, puis la mère et quelques autres personnages en fonction de leur arrivée dans l'histoire, ce qui nous donne plusieurs points de vue pour un même événement, ou des explications lorsque la mère remonte dans le temps. Une histoire âpre, sèche, dure, pas dans les mots mais dans les faits décrits, les personnages. Un roman sous tension, ce n'est pas pour rien que Sandrine Collette est connue pour ses romans au suspense très soutenu -comme Six fourmis blanches. Les paysages sont à l'avenant, rudes, secs, on les imagine très bien similaires à la couverture du bouquin (très belle, gris métallique, brillante). Pas vraiment de temps mort dans ce livre même s'il n'y a pas beaucoup d'actions, le rythme de travail est élevé, mais répétitif, la vie à l'estancia est répétitive, les mêmes gestes quotidiennement, Sandrine Collette en profite pour nous faire entrer dans les têtes de ses personnages, dans leurs questionnements, leurs doutes, leurs peurs, leurs faiblesses. Un texte aux phrases parfois sèches, courtes et d'autres passages aux phrases plus longues, très ponctuées, ce qui donne des rythmes différents tant dans l'histoire que dans la lecture. Une belle surprise, je m'attendais à une écriture moins travaillée, plus taillée pour un polar dans lequel -parfois, mais heureusement pas toujours- les auteurs s'attachent plus à l'intrigue qu'au style.

    Vraiment bien vu, ce roman entre le noir et le western, étouffant, suffocant, ne vous lâchera pas.


  • Conseillé par
    16 février 2016

    enfermement, Patagonie

    Ouvrir un roman de Sandrine COLLETTE, c’est accepter de se laisser enfermer dans l’univers qu’elle a créé spécialement pour le lecteur. Dans ce dernier opus, elle nous plonge au coeur d’une famille tenue d’une main de fer par la mère. Jamais rien ne va, ses enfants ne travaillent jamais assez, et de distractions, il n’y en a pas.

    Même les grands espaces de Patagonie sont hostiles, battus par les vents, et la plaine aride.

    Mais la geôlière ne peut tout contrôler, et c’est à partir d’actes malheureux que la vie arrive tout de même à transpercer cet univers reclus.

    J’aime la plume de cette auteure, qui casse ses phrases pour y introduire des tournures de langage parlé, rompant ainsi la fluidité de la narration.

    J’ai aimé, dans ce roman, le côté initiatique de l’histoire : les chiens s’appellent un, deux et trois ; la famille est composée de 5 membres ; le petit subit l’épreuve de la terre…. Des clins d’oeil qui m’ont parlé.

    L’auteure sait à chaque fois créer une ambiance différente tout en reprenant le même thème en toile de fond.

    L’image que je retiendrai :

    Celle du sac en cuir qui va faire basculer, lui aussi, la vie de la famille.

    http://alexmotamots.wordpress.com/2016/02/08/il-reste-la-poussiere-sandrine-collette