La naissance du tribunal pour enfants, Une comparaison France-Québec (1912-1945)
EAN13
9782753566897
Éditeur
Presses universitaires de Rennes
Date de publication
Collection
Histoire
Langue
français
Fiches UNIMARC
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La naissance du tribunal pour enfants

Une comparaison France-Québec (1912-1945)

Presses universitaires de Rennes

Histoire

Indisponible
Si le XXe siècle reconnaît à la jeunesse un statut social et culturel
spécifique, il est aussi celui de la stigmatisation de la jeunesse
irrégulière. Désormais, les institutions de contrôle social ne cherchent pas
seulement, comme au XIXe siècle, à évincer l’écume ardente des classes
dangereuses. Il s’agit, avec la mise en place d’une justice des mineurs
spécialisée dans la plupart des pays occidentaux, d’élargir le filet de prise
en charge à l’ensemble de la jeunesse populaire tumultueuse ou même « en
danger », tout en adossant au système judiciaire pénal une assistance
éducative. Après s’être appuyée sur l’initiative privée, la justice se tourne,
dans l’entre-deux-guerres, vers les premiers professionnels de la protection
de l’enfance. En amont et en aval de l’acte judiciaire, la nouvelle filière
s’organise, du dépistage des asociaux et anormaux, au tutorat familial
qu’incarne la liberté surveillée. Loin d’être mises hors-jeu, les institutions
d’enfermement tentent de se réformer et s’insèrent dans ce nouveau système,
avec l’invention de nouvelles catégories juridiques para ou prédélinquantes,
nouvelles figures de la dangerosité sociale qui appellent la réclusion tout en
lui conférant une nouvelle légitimité. Il s’agit d’un moment clé de l’histoire
de la protection de l’enfance, qui préfigure l’ère du « tout éducatif » des
années 1950-1960, sans pour autant se déparer de la raison pénale qui le
fonde. Si l’aspect social adoucit l’aspect pénal et le rend socialement
productif, il en est aussi une légitimation lui permettant de passer outre
certains principes du droit libéral. Dès lors, la socialisation du droit des
mineurs, au moment même où elle acquiert le statut de doxa, entre en
contradiction avec le principe de citoyenneté étendu à l’enfance, en genèse
tout au long du XXe siècle. Craints et dénoncés comme en voie de dangereuse
émancipation, les jeunes restent en réalité largement dépendants du pouvoir
familial, scolaire, industriel et légal, mais se justifient de cette
domination pour réclamer des droits et expérimenter une autonomie nouvelle.
Dès lors, l’enfance et la jeunesse déviantes incarnent certaines formes de
changement social et culturel. Leur poids dans les représentations collectives
s’accroît, tantôt pour dénoncer une inquiétante dérive, tantôt pour pointer la
voie de la modernité. Ainsi, l’autonomie économique, le consumérisme, le
développement des loisirs non encadrés, ou encore la libération des mœurs et
des rôles sexuels sont dénoncés, éventuellement réprimés, mais aussi valorisés
par une culture en mouvement, en voie de juvénilisation au XXe siècle.
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