PS : la bataille des ego
EAN13
9782809802580
ISBN
978-2-8098-0258-0
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
POLITIQUE, IDEE
Nombre de pages
260
Dimensions
22,5 x 14 cm
Poids
306 g
Langue
français
Code dewey
324.244
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PS : la bataille des ego

De

Archipel

Politique, Idee

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Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-8098-0918-3

Copyright © L'Archipel, 2010.

« Dans la vie politique, on ne se fait pas, on ne se crée pas de véritables amitiés. On a quelques bons compagnons. »

François Mitterrand,
in revue Autrement, juin 1982.

PRÉSIDENTIALITE AIGUË

« Ségolène, tu arrêtes, maintenant ! » Accrochée à son téléphone portable, Martine Aubry est furieuse. Depuis quelques heures déjà, en cette soirée du 21 novembre 2008, les amis de l'ex-candidate à la présidentielle clament partout dans les médias la victoire de Ségolène Royal à l'élection au poste de première secrétaire du PS. Seulement voilà, tous les militants socialistes n'ont pas fini de voter. Et, dans le camp de Martine Aubry, on est persuadé que le résultat final donnera la victoire à la maire de Lille. Le ton monte entre les deux parties, chacune accusant l'autre d'avoir bénéficié de fraudes massives. Dans la nuit, alors que personne au PS n'est en mesure de dire de quel côté les militants ont fait pencher la balance, Martine Aubry décide d'appeler Ségolène Royal. L'explication est franche. Elle ne débouchera sur rien. Rien d'autre qu'un affrontement musclé entre les deux camps, avec menaces de recours en justice et demande d'organisation d'un nouveau vote de la part des royalistes. Martine Aubry sera finalement déclarée vainqueur. Mais elle s'installe rue de Solférino avec l'étiquette de tricheuse. Ségolène Royal s'en retourne dans sa région Poitou-Charentes auréolée de son éternel statut de victime de l'appareil. Et les militants socialistes, comme les Français, observent effarés, mais pas vraiment surpris, ce nouvel épisode de la guerre des chefs dans le premier parti d'opposition. Il y en aura d'autres, tout aussi violents.

Un an plus tard, le 15 novembre 2009, c'est au tour de Vincent Peillon d'être furieux. « Ségolène Royal ne pourra pas nous faire gagner en 2012 », lâche l'ancien lieutenant de l'ex-candidate sur le plateau de Canal+. La veille, il l'a vue débarquer à Dijon pour assister à un rassemblement de L'Espoir à gauche, le courant qui avait porté la candidature de Ségolène Royal lors du congrès de Reims en novembre 2008. Elle n'était pas invitée. Elle est venue faire un coup : signaler à Vincent Peillon qu'elle ne le laisserait pas s'emparer de son courant. La passe d'armes entre les deux anciens alliés est d'une violence inédite. Jusque-là, les socialistes évitaient de s'envoyer des noms d'oiseaux à la figure. À Dijon, ils ont franchi un nouveau cap dans l'escalade de l'agressivité les uns à l'égard des autres. Depuis le 21 avril 2002, c'est l'ordinaire socialiste. Une lutte acharnée entre les poids lourds du parti pour s'imposer comme le prochain candidat à l'élection présidentielle.

Comment en sont-ils arrivés là ? Depuis l'élimination de Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle de 2002, le PS a sombré dans une interminable crise qui voit régulièrement s'affronter ses principales personnalités. Tous n'ont qu'une seule idée en tête : s'imposer comme le candidat du parti. Et, si ce n'est pas possible, tout faire pour empêcher les autres d'y parvenir. L'histoire de ces luttes fratricides est longue au PS. François Hollande contre Laurent Fabius en 2005 sur le traité de Constitution européenne. Ségolène Royal contre les éléphants en 2006, afin d'obtenir l'investiture socialiste pour la présidentielle de 2007. Martine Aubry contre Ségolène Royal en 2008 pour empêcher l'ex-candidate de s'emparer du parti. Les jeunes contre les anciens, les modernes contre les traditionnels, les quadras contre les quinquas, les trentenaires contre les historiques, et au bout du compte tout le monde contre tout le monde. Le PS est une mêlée permanente dont les règles échappent à la compréhension du plus grand nombre. Chacun a une bonne raison d'en vouloir à l'autre, et vice versa.

Ce qui s'est passé le 21 avril 2002 permet d'y voir un peu plus clair. Pour les socialistes, ce jour-là est à la fois un aboutissement et un point de départ. Aboutissement puisque, lorsque Lionel Jospin est éliminé au premier tour de l'élection présidentielle, c'est la parenthèse qu'il avait ouverte en 1983 qui se referme. François Mitterrand est président de la République. Face à l'impossibilité de tenir ses promesses de campagne, il engage le tournant de la rigueur. Le premier secrétaire du PS est un certain Lionel Jospin. Il utilise alors une expression pour expliquer que les socialistes ne renoncent en rien au projet que François Mitterrand a porté durant la campagne présidentielle de 1981. Le tournant de la rigueur est une « parenthèse ». Le PS ne va jamais la refermer. En 1989, le mur de Berlin tombe, et avec lui l'idéal socialiste d'un modèle alternatif au capitalisme. Dans les années suivantes, le PS va progressivement accepter l'économie de marché. Il en sera même un bon gestionnaire lorsque Lionel Jospin sera nommé à Matignon en 1997 après la dissolution ratée de Jacques Chirac. Et c'est en tant que Premier ministre que Lionel Jospin le reconnaît : « L'État ne peut pas tout. » Mais le virage social-démocrate du PS est mal négocié. Il intervient en tout cas au moment même où l'ensemble de la social-démocratie européenne est en perte de vitesse. Le PS se retrouve à contretemps, et Lionel Jospin avec lui. Le divorce avec les couches populaires, qui constituaient l'électorat traditionnel du PS, est engagé. Si bien que, le 21 avril 2002, c'est en quelque sorte la parenthèse ouverte par Lionel Jospin en 1983 que les Français décident de lui refermer au nez.

Pour les socialistes, c'est un traumatisme, leur 11 Septembre à eux. Ce jour-là, ils voient tous leurs espoirs s'effondrer. Presque dix ans plus tard, beaucoup parlent encore du 21 avril 2002 au présent. Comme s'ils n'étaient pas encore remis de cette journée, chacun est capable de la raconter heure par heure. « Je suis dans ma mairie et on sent bien que quelque chose est en train de se passer1 », raconte l'un. Depuis quelques jours, l'hypothèse d'une arrivée de Jean-Marie Le Pen au second tour est évoquée, mais personne ne veut y croire. « Je suis en voiture, en route pour l'Atelier, le siège de campagne de Lionel Jospin, et je reçois un coup de téléphone bizarre, se souvient un autre. Un ami journaliste m'appelle pour me dire que Lionel n'est pas au second tour. Je le dis autour de moi et on me dit : “Arrête de dire des conneries.” » Au siège de campagne de Lionel Jospin, on commence aussi à s'inquiéter. « Dans la war room, il y a une atmosphère très bizarre. Surtout par rapport aux militants qui scandent “Lionel président !” dès que quelqu'un de l'équipe arrive. » « Dans la salle des commandes, une vingtaine de personnes sont assises autour de la table. Vers 18 h 30, on commence tous à trouver étrange que nos téléphones ne sonnent pas. Ce n'est pas normal qu'à ce moment-là nous n'ayons pas les résultats des sondages sortis des urnes. » Puis apparaît celui qui est encore Premier ministre. « Sur nos écrans de télé, on voit Lionel Jospin arriver à l'Atelier dans un silence de mort. Il entre dans le bureau, personne ne lui parle. Et finalement Gérard Le Gall2 lui annonce : “Tu es troisième derrière Le Pen.” » Les mots des socialistes sont éloquents. « Un drame » pour François Hollande, « un désastre » pour Vincent Peillon, « une injustice » pour Manuel Valls, « une catastrophe » pour Pierre Moscovici, « un effroi absolu » pour Martine Aubry, « un coup de tonnerre » pour Laurent Fabius.

Ils se voyaient déjà installés à l'Élysée, ils resteront rue de Solférino. Ils rêvaient de gérer la France, ils retourneront à la mécanique des courants. Ils voulaient engager des réformes sociales, justes et équitables, ils doivent tout reprendre à zéro. Le 21 avril 2002, le PS sombre dans une triple crise : d'identité, de projet et de leadership. Le parti ne sait plus qui il est. Il ne sait plus ce qu'il veut. Il...
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