Montagne claire, montagne obscure

Kaoru Takamura

Actes Sud

  • Conseillé par
    21 juin 2019

    En 1976, dans les Alpes japonaises, un couple se suicide dans sa voiture. Horoyuki, leur petit garçon, réussit à s'échapper et erre quatre heures dans la montagne avant d'être retrouvé par la police. Après un séjour à l'hôpital, il est envoyé à Tokyo chez des membres de sa famille.
    Quelques jours plus tard, le 21 octobre, le lieutenant Sano et le brigadier-chef Tobe parcourent pour la deuxième fois la même route de montagne. Cette fois, c'est d'un homicide qu'il s'agit. Un randonneur égaré a été battu à mort par Iwata Kôhei, un ouvrier ayant abusé de saké.
    En 1989, des pluies intenses provoquent un éboulement qui met à jour le cadavre d'un randonneur non identifié. L'emplacement étant proche de la cabane d'Iwata, Sano et Tobe se rendent à Tokyo pour l'interroger. Sur place, le lieutenant Gôda leur grille la priorité. Il est là lui aussi pour interroger Iwata, dans le cadre d'une enquête sur un cambriolage avec violence.
    En 1992, Horoyuki vit chez l'infirmière qui s'est occupée de lui lors de l'un de ses nombreux séjours en hôpital psychiatrique. Depuis le drame de son enfance, le jeune homme connaît des cycles triennaux : trois ans de montagne claire où il est calme, apathique, trois ans de montagne obscure où il est dirigé par ''l'autre'', un certain Marks qui lui fait faire des choses effroyables.
    Au même moment, deux crimes sont commis à Tokyo. D'abord un ancien yakuza, puis un procureur. A priori rien ne les relie et la direction de la police ordonne deux enquêtes séparées. Pourtant, le lieutenant Gôda a remarqué des similitudes dans les blessures infligées aux victimes mais il doit obéir aux ordres.

    Une intrigue complexe, voire alambiquée, une enquête qui traîne en longueur, un coupable très vite repéré, voilà pour les points négatifs du trop long polar de la japonaise Kaoru Takamura. Cependant, si l'on passe outre ces défauts, il reste une peinture assez intéressante du travail de la police japonaise. Une administration hyper-hiérarchisée qui ne laisse pas beaucoup de place à l'initiative personnelle. On obéit aux ordres, on respecte ses supérieurs et on tente tant bien que mal de faire son chemin dans un univers où n'existent ni la coopération entre services, ni l'entraide au sein d'une même équipe. Concurrence, inimitié, mépris, les policiers ne sont pas tendres entre eux, se mettent des bâtons dans les roues, cachent émotions et sentiments sous le masque du contrôle de soi et supportent des horaires à rallonge et la solitude qui bien souvent accompagne ces carrières.
    Et ce nid de vipères n'est pas seul à être évoqué dans le roman, la société japonaise toute entière est montrée du doigt. Là encore, le respect de la hiérarchie sclérose les ambitions individuelles. Les puissants usent et abusent de leur position, sans souci d'être inquiétés par la justice, magouillant à coup de pots-de-vin, s'attachant même les services des yakuzas.
    Au milieu de tout cela, l'inspecteur Gôda, baskets blanches non réglementaires aux pieds, solitude chevillée au coeur depuis son divorce, essaie de comprendre le monde qui l'entoure et les motivations de ses contemporains. Il remonte lentement vers la source du mal, il sait que les crimes d'aujourd'hui s'expliquent par les actes commis hier, il sait que la montagne cache bien des secrets et que son versant ensoleillé a un pendant obscur.
    Un roman intéressant mais un peu longuet.