Ludovic P.

J'aime les récits d'aventure, les romans russes, les anti héros américians et l'absurde quand il révèle le tragique. Ma BD de référence: Portugal, de Cyril Pedrosa.

Un roman japonais

J'ai Lu

Conseillé par (Libraire)
4 juillet 2015

Dans une langue empreinte de poésie, Thomas B. Reverdy pose un regard sensible sur le Japon, où plus qu'ailleurs se heurtent sans cesse tradition et modernité. Au centre de cette histoire, le phénomène de la disparition volontaire: là-bas, quand quelqu'un disparait, on dit seulement qu'il s'est évaporé. Et c'est ce choix que fait Kase. Il disparait sans un mot. Yukiko, sa fille émigrée aux États-Unis depuis des années, revient pour mener l'enquête avec l'un des ses anciens compagnons, Richard B., qui n'est autre que la figure de Brautigan dont Reverdy est un grand admirateur. Quelques-uns des poèmes de l'auteur américain, qui a vécu plusieurs années au Japon, jalonnent ce roman.

Tout au long du récit transparait la curiosité dénuée de jugement de l'auteur. Curiosité qu'il a transmise à son personnage. Comme Richard B. (qui ne parle pas japonnais), on avance à tâtons dans l'histoire, on regarde avec des yeux grands ouverts ce pays fascinant, sans tout comprendre et en essayant malgré tout de capter la poésie qui se dégage des lieux, des personnes.

En toile de fond aussi, mais dilué de manière intelligente, se dessine le portrait du Japon post Fukushima, du traumatisme à la récupération de la catastrophe par la mafia. Enfin, Reverdy explore le désir plus universel de la fuite. Après l'envers du monde, Thomas B. Reverdy continue donc de construire une oeuvre sensible, intelligente où la curiosité dispute à la contemplation le droit de mener l'histoire..

Conseillé par (Libraire)
6 juin 2015

Rares sont les éditeurs qui font de bons auteurs. Mais à l'instar de la langue française, que l'auteur a dû se réapproprier à son installation à Paris, il y a toujours des exceptions à la règle. Teresa Cremisi en est un probant exemple.

Dans une langue d'une étonnante douceur, l'auteur évoque son enfance très libre à Alexandrie, puis le départ précipité pour l'Italie à la nationalisation du canal de Suez, et enfin la France. Elle raconte son cheminement professionnel, dont la réussite l'a souvent surprise. Jamais elle ne cherche à se justifier de quoi que ce soit. De fait, elle garde une forme de pudeur et reste à distance de l'émotion brute, même à travers l'évocation d'épisodes douloureux de sa vie.

Sur tous les pans de son existence, elle semble avoir "gagné". Pas toujours contre quelqu'un, pas toujours en combattant.

On referme le livre avec une forme de nostalgie à l'égard de ce personnage, de cette époque pas si lointaine et pourtant vraiment différente. Une agréable nostalgie qui nous invite à prendre la vie avec un plus de légèreté.

Conseillé par (Libraire)
2 juin 2015

Intellectuel notoirement connu et reconnu aux États-Unis, Gary Shteyngart n'a rien oublié de son enfance en URSS. Asthmatique, fils unique, il a vécu dans le cocon maternel, bercé dans le culte des plans quinquennaux jusqu'à ses 7 ans... et un départ précipité pour l'ennemi de toujours, les États-Unis. Quelle cruelle désillusion dès lors d'apprendre que le Tupolev n'est pas l'avion le plus rapide du monde et que les Américains ne sont pas les salauds tant décriés à Moscou. Cette découverte s'accompagne de sentiments ambivalents: ici, au pays de l'Oncle Sam, tout est possible; pourtant Gary (ainsi surnommé afin de mieux s'intégrer) va enchainer les échecs, tant amoureux que professionnels, et ruiner les ambitions démesurées de ses parents. Avec un grand talent de conteur et un usage immodéré de l'autodérision, Gary Shteyngart nous offre l'épopée souvent émouvante d'un "looser" qui a mis longtemps à dominer et articuler les sentiments contraires nés de son déracinement. Mémoires d'un bon à rien est un condensé d'humour juif qui n'est pas sans rappeler les belles heures de Woddy Allen.

Mercure de France

Conseillé par (Libraire)
20 avril 2015

Elégie pour une bimbo

"Monsieur" est de ces romans hilarants qu'on aimerait voir déclamé sur scène et le narrateur l'un de ces héros discrets qu'on aimerait rencontrer dans la vie. Ce type donc, au langage des plus raffinés, s'épanche auprès d'un inconnu assis sur un banc en face de la cathédrale Notre-Dame à Paris. L'objet de ses confidences est sa rencontre d'une jeune bimbo qui l'a transformé, lui l'intellectuel vieux-jeu, le passéiste des temps présents, en un fan du PSG, crane rasé affublé d'un perfecto aux couleurs de l'équipe Qatarie. Le comique vient donc de l'écart entre le niveau de langue, toujours soutenu, fleuri façon Rabelais ou Villon, et le récit plus... prosaïque. Vite lu, ce court roman est l'occasion de sourire et d'apprécier toute l'étendue de la langue française quand il s'agit de parler des choses de l'amour...

Conseillé par (Libraire)
18 avril 2015

Debout les morts

En 1978 paraissait pour la première fois "Ils ont tué tous les héros". Il reparait aujourd'hui dans une version mise à jour, et force est de constater qu'il n'a pas pris une ride. Ce livre à la forme bâtarde est avant tout un manifeste contre la tiédeur ambiante, contre les demi-mesures, contre la prudence. En atteste l'autodafé bien réel par lequel il commence...

Ici, Jean-Claude Guilbert prône le mouvement, l'engagement. Construit en de petits chapitres, le récit alterne entre plusieurs formes. Tantôt il s'agit d'un dialogue entre l'auteur et une sorte de Petit Prince (appelé Petit Mec), tantôt l'auteur élabore des théories, par exemple sur l’inacceptable dissociation du corps et de l'esprit (on ne trouve plus d'intellectuels sportifs et inversement) ou encore sur la transformation de la "nostlagie" en un "marché" pour les maisons de disques, éditeurs, producteurs, etc. Parfois, c'est simplement une publicité qui fait l'objet d'une analyse, d'autre fois c'est la sentence d'un politique ou d'un auteur.

Concernant le style, on navigue à vue entre élans lyriques, formules percutantes, gouaille populaire et un registre plus didactique.

En conclusion, ce livre est un ovni, reconnu en son temps par des aventuriers comme Hugo Pratt et Sylvain Tesson. D'une étonnante actualité, il invite à ressusciter les héros dans une forme nouvelle à travers vous, moi, et tous ceux qui n'ont pas peur de vivre leurs rêves plutôt que de rêver leur vie.