Laurence G.

Libraire passionnée à Epinal depuis 2013.

Conseillé par (Libraire)
10 novembre 2021

Une superbe bd fantastico-médiévale sur l'héritage familial : à lire et à offrir !!!

Gros coup de ❤❤❤ pour "Ténébreuse" de Vincent Mallié au dessin et Hubert au scénario paru chez Dupuis, dans la très belle collection "Aire Libre".
La couverture de cette très belle BD m'a tout de suite tapé dans l'oeil et, ainsi ensorcelée par le trait élégant de Mallié, je suis partie à la découverte de cette jeune princesse médiévale...
Islen est née dans un château, et si son père est roi, sa mère, elle, est... particulière !
Arzhur, chevalier déchu mais cependant toujours preux, va chemin faisant, croiser leur chemin, grâce à 3 vieilles sorcières tout à fait "shakespeariennes". Elles vont en effet lui demander d'aller délivrer la jeune fille et de la ramener auprès de sa mère. Mais ce n'est pas tout à fait ce qui va se passer...
Hubert a tissé une histoire qui tient à la fois du drame shakespearien, du roman gothique, du conte médiéval et du récit fantastique. Il nous fait pénétrer dans le monde de l'imaginaire par le biais d' archétypes magnifiés par le dessin et les couleurs de Mallié. Le duo nous offre un moment de bonheur, une superbe BD intemporelle et intergénérationnelle. L'humour y est aussi présent, même si discrètement, grâce au sympathique personnage de l'écuyer d'Arzhur. Enfin, cette Bd aborde de très belle manière le sujet de l'héritage familial et de la volonté de s'en émanciper. Une lecture conseillée dès 13 ans, tout public...

Conseillé par (Libraire)
27 octobre 2021

Un roman noir au coeur de la nature sauvage

Très bien écrit et traduit, ce roman est un mélange de "Nature writing" et de suspens et se dévore d'une traite grâce à la cohérence de l'histoire, l'empathie pour le personnage à qui il arrive quand même un sacré nombre d'embrouilles, les personnages secondaires et le décor superbe.
Un très bon premier roman et un écrivain à suivre, dans la lignée de Edward Abbey!

La nuit, c'est ma couleur préférée

One-Shot

Delcourt

Conseillé par (Libraire)
11 octobre 2021

Un album sur la souffrance et l'isolement des enfants "dys"

Le premier album de Nadia Nakhlé publié en 2020, intitulé « Les oiseaux ne se retournent pas » et déjà publié par les éditions Delcourt, m’avait déjà fait forte impression tant l’illustration était époustouflante de beauté et de poésie malgré le sujet traité difficile, la guerre, l’exil et la perte.
Celui-ci s’adresse à une catégorie de lecteurs plus jeunes, dès 10 ans. Il aborde un sujet bien différent, celui des enfants « dys- »: dysphasiques, dyslexiques, dysorthographiques, dyscalculiques…
Eliza a 8 ans ; elle est surnommée ZazaBizar par ses camarades de classe car elle est emprisonnée dans un maelström de voyelles, de consonnes et de sons qu’elle n’arrive pas à mettre dans le bon ordre. Tout s’emmêle lorsqu’elle veut parler ou lorsqu’on l’ interroge à l’école si bien que personne ne comprend ce qu’elle dit. Les enfants qui la côtoient tous les jours ne font rien pour l’aider et la fillette s’enfonce dans un isolement douloureux et dans le silence jusqu’au jour où un autre élève arrive dans la classe. Lui aussi est « différent ». Si ce garçonnet bien dans sa peau va l’aider, l’imaginaire de Zaza va lui être aussi d’un grand secours et c’est aussi ce que cet album nous raconte.
Eliza exprime sa douleur d’être incomprise par les autres enfants et par ses maîtresses dans un journal qu’elle tiendra tout au long du lent voyage qui la mènera vers la guérison. L’orthographe adoptée par Nadia Naklhé reflète la confusion de Zaza face à l’écrit mais au fil des pages et des séances chez l’orthophoniste, son orthographe va s’améliorer et le chaos régresser.
Le chemin vers la guérison sera bien long pour Zaza, deux longues années, car il faudra déjà que ses troubles soient diagnostiqués ; elle va suivre un parcours du combattant avec l’aide de ses parents, totalement démunis au début.
« Zaza Bizar » est un album de toute beauté où les nuances de bleu, gris et noirs dominent la palette rehaussée par de toutes petites touches de rouge et de jaune. La finesse et la précision du dessin, la mise en scène de chaque page représentant l’album tenu par Eliza donnent à l’ensemble une poésie et une douceur qui atténuent la dureté du propos puisqu’il s’agit bien de douleur et d’exclusion dues à ce handicap, peu abordé dans la littérature Jeunesse mais qui concerne des milliers d’enfants. Cet album est aussi un hommage au travail patient et plein d'empathie que réalisent les orthophonistes.

Conseillé par (Libraire)
11 octobre 2021

Arts, rencontres, voyages, échanges, passions, racines, hasard: il y a tout cela dans le nouveau roman de Jeanne Benameur

Voici un comédien italien, Donato Scarpa, et sa fille, Emilia, sur le point de débarquer en Amérique en 1910; ils ont quitté leur terre natale car plus rien ne les y retenait hors le chagrin.
Voici aussi Esther Agakian, Arménienne, qui porte en elle les douleurs de son peuple exterminé, voici encore Gabor et Marucca, tziganes, allant là où le vent les porte.
Et voici Andrew Jonsson, jeune Américain par lequel tout commence, grâce à sa passion pour la photographie ; il s’est enhardi à monter sur le navire à quai à Ellis Island pour saisir les visages de ses passagers. Andrew se sent « frère de voyage » avec ceux-ci car son propre père, Islandais, a lui aussi émigré bien des années auparavant. C’est à travers son objectif que l’on va découvrir les protagonistes de ces histoires multiples.
Le temps s’égrène lentement alors que les voyageurs épuisés n’ont qu’une hâte, celle de fouler leur nouvelle terre. L’attente est cruelle. Les corps s’épient, se confient ou au contraire se retranchent dans le repos des souvenirs, fragiles barrières à l’incertitude, à l’inconnu, à la peur. Un énorme coup de coeur de cette rentrée littéraire au Moulin des Lettres!
C’est le roman de l’entre-deux où l’on sait ce qu’on poursuit, l’on ne sait pas ce qui nous attend, et où l’on sait trop ce que l’on a perdu.
Vont être dévoilées les raisons qui ont poussé ces personnages à partir, rassemblés là par le hasard de la vie ; ce qui domine, c’est tout d’abord la souffrance d’avoir dû laisser derrière soi une maison, les ancêtres, des paysages, des parfums, tout cela composant une trame délicate qui alimentera leur mémoire.
Si les âmes ont souffert au point de devoir ainsi tout quitter, les corps, eux, cherchent la consolation grâce à la musique et au violon de Gabor, à la peinture ou encore au théâtre. Dans ce roman il est en effet question d’abandon, d’art, de cultures et de rencontres.
L’écriture sensuelle de Jeanne Benameur sculpte sous nos yeux des personnages ivres de vie et de passions, riches d’une Histoire qui nourrit mais peut aussi dévorer.
Ce roman à la beauté multiple et chatoyante parlera à tous car sa langue épurée, surgie de ce que chacun des personnages a de plus profondément enfoui en lui, traverse l’âme et réjouit le coeur.

10,00
Conseillé par (Libraire)
11 octobre 2021

Un roman allemand sur les années 60 et sur la mémoire collective

Si la littérature de la Shoah nous a fait découvrir depuis 70 ans l’horreur des camps d’extermination, les années 60 en Allemagne ont été beaucoup moins abordées.
Annette Hess situe son roman en 1963, pendant le second procès d’Auschwitz où furent jugés 22 officiers SS et kapos. Eva Bruhns, jeune interprète, va être sollicitée pour traduire les témoignages des rescapés polonais pendant le procès qui va durer un an et demi et qui se tiendra à Francfort.
Les hésitations d’Eva pour accepter ce travail vont être confortées par la réticence de ses parents à parler du passé et par celle de son fiancé, Jürgen. Eva désire cependant acquérir une autonomie financière pour s’émanciper du foyer familial, ce malgré le souhait de Jürgen d’avoir une épouse femme au foyer.
S’intéressant de plus en plus au procès, elle lit les journaux qui relatent sa mise en place et présentent les accusés ; cet intérêt d’Eva pour le procès rend sa mère furieuse. Certaines scènes de rue auxquelles elle ne prêtait pas attention jusque-là vont lui ouvrir les yeux sur l’antisémitisme toujours vivace. Elle finit par accepter de travailler dans le cadre du procès et va commencer alors une lente découverte de ce qui s’est passé 20 ans auparavant dans son pays et au sein de sa famille.
Alternant les points de vue grâce aux différents personnages de la famille d’Eva, l’auteure nous plonge dans la vie quotidienne d’une famille allemande des années 60. Elle entremêle ces passages à ceux présentant les membres du Ministère de la Justice qui doivent mener le procès et à leur recherche des témoins ou des coupables. Annette Hess tisse peu à peu des liens entre ces deux univers et remonte dans le passé en questionnant la culpabilité, la mémoire et les non-dits. Il semble évident que les Allemands ayant connu le nazisme aspirent alors à vouloir oublier cette période, quitte à renoncer à toute volonté de justice.
Eva durant le procès va s’émanciper, mûrir et surtout appréhender enfin cette partie de l’histoire de son pays, occultée par le plus grand nombre jusque-là dans une volonté d’oublier l’innommable. Un roman très fort et une excellente traduction de Stéphanie Lux.